Laissez moi vous conter l'histoire de l'oinoir, animal singulier qui ne s'apparente en rien à ses homologues bernaches mais qui a bel et bien un récit fantastique à vous livrer...
Sous les noms de myrmidon, tamandua, fourmilier, tamanoir, une bête, élastique et fabuleuse, voyage à l'ombre des tropiques sous une végétation dense.
A des milliers de kilomètres de-là sous les noms de menuridae, novaehollandiae ou oiseau-Lyre vit une créature ailée dans les mêmes forêts humides.
Le Tamanoir évoluait dans le manoir sauvage de la jungle sud-américaine. Très solitaire, il aimait voyager et il lui arrivait bien souvent de tracer sa route par le centre de la terre, son long nez effilé lui permettait de creuser des tunnels raccourcissant les chemins qui le menaient à l'océan, la rivière ou les villages des hommes. Il était un esprit libre et curieux qui errait au fil des merveilles de sa forêt.
L'oiseau-Lyre était un artiste musicien. En somme, il exerçait le métier de barde. Son singulier talent d'imitateur concourrait à son repertoire, et par toute l'Océanie on attendait sa venue pour jouir de son spectacle.
Un jour d'escapade alors qu'il avait atteint la mer, le tamanoir creusa tant et tant qu'il ne pu revenir en arrière, il décida alors d'aller de l'avant. Il se nourissait de petits vers de mer et de minuscules poissons qui s'étaient nichés là, dans de petites poches d'eau. Sa marche dura de longues semaines, peut-être des mois ... Quand l'eau commença a lui paraitre moins lourde au dessus de lui, il tenta de percer son tunnel et vit comme des paillettes scintillantes : le soleil. Il s'était retrouvé sur une plage, ce qui ne le dépaysa pas. Son tempérament aventureux le décida pourtant à explorer la forêt avoisinante.
L'oiseau-Lyre était en pleine représentation quand il l'aperçut pour la première fois. Et quel fut sa fascination devant le concert lyrique que donnait l'oiseau ! Il n'avait jamais rien entendu d'aussi beau si bien qu'il prit place et s'assit au côtés de créatures qui lui parurent étranges. L'un tout de roux vétu portait son enfant dans une poche ventrale, un autre ressemblait aux oursons de sa forêt avec des airs de paresseux enfin toutes sortes de personnages à poils ou à plumes tous plus bizarres les uns que les autres.
Il attendit la fin du spectacle et alla complimenter l'oiseau chanteur.
Aussitôt, ils se reconnurent. L'un et l'autre se contemplèrent comme hypnotisés. L'oiseau admira l'allure formidable du tamanoir et lui s'extasia pour le plumage superbe de l'oiseau. Il ne dirent mot avant quelques magiques instants, puis se comprirent.
L'oiseau-Lyre convia le tamanoir à un voyage. Il connaissait un chamane aborigène qui vivait au fin fond de la jungle, il possédait, conta l'oiseau, des pouvoirs enchanteurs. Ils crapahutèrent de longs jours à travers la forêt, et offraient un singulier spectacle aux autochtones, l'oiseau était en effet perché sur le dos du tamanoir. Habitués l'un et l'autre au même régime alimentaire, ils festoyaient chaque jour de leur chasse respectives, ils échangeaient aussi beaucoup et se racontaient les légendes de leurs forêts avant de s'endormir dans des nids de verdure.
C'était le crépuscule quand ils virent rougeoyer un grand feu à quelques pas d'une hutte.
Baiame, c'était le nom du sorcier, les attendait. Il les convia dans sa hutte, petite alcôve parfumée où régnait une ambiance mystique. Alors que les deux amis balayaient son antre du regard, Baiame bourrait deux petites pipes de ce qu'il appelait “Pituri” ou “Duboisia hopwoodii” et il les invita à prendre place autour du feu. Là, il placa les deux pipes dans bec et gueule dentée et les alluma. Baiame entama un bourdonnement mélodieux avec son didjeridoo et les deux amis se mirent à tournoyer comme en transe. Le chamane quitta son instrument sans que ne cesse la musique et chanta. Il psalmodiait “Tjukurpa ” ce qui veut dire “le temps du rêve”, le temps, qui selon les aborigènes, précède à la création. C'était là, qu'il les menait, au temps où tout était encore possible, au temps de l'incréé.
Le tamanoir gazouilla, zinzinula, trompetta et hurla, l'oiseau se tint sur quatre pattes griffues et touffues, l'un et l'autre commençaient à se confondre. Au petit matin après s'être assoupis les deux amis se cherchèrent du regard sans se trouver. L'oiseau se sentait alourdi, le tamanoir allégé. Puis ils se rendirent compte qu'ils ne faisaient plus qu'un. L'oiseau avait gardé sa voix enchanteresse et son majestueux plumage, le tamanoir sa fière allure et son nez si habile. L'originale créature pétrie de musique et de liberté pourrait à loisir comtempler la Terre depuis son coeur, le ciel ou sa surface.
L'Oinoir était né.
Il se sentait plein de gratitude pour Baiame et plus généralement pour la magie universelle. Après une envoûtante parade en l'honneur du sorcier, l'Oinoir lui promis de colporter de par le monde son histoire ; celle d'un être né de l'union de deux êtres a-priori solitaires et que tout opposait...