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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 16:55

      

6-olivier-richon-2008-galerie-bendana-pinel-le-bestiaire-im.jpg

 

      

       Créteux, saturé, anar, fêtard, j'ai beau gueuler NO FUTURE comme mâtine à tout l'voisinage pas un qu'entend ma voix. Non tous ces connards préfèrent se dire qu'mon chant leur est asservi, que j'suis un réveil matin. Ni Dieu ni Maître, vous captez pas qu' mon espèce crache sur la vôtre : à bas la hiérarchie ! Les poulettes qui m'entourent vous sont aliénées, vous croyez ? Foutaise, faudrait qu'vous les entendiez, elles vous citent du Bakounine, vous balancent comme ça des vers de Prévert qui vous font saigner tellement c'est beau.  

       On enferme pas la liberté dans un poulailler !
       Dès qu'arrive le soir et qu'on vient vérifier qu'on risque pas d'se faire bouffer par un renard, j'me barre. J'enfile mes docs à coque au cas ou un sale skin traînasserai par là... et j'file déranger la nuit.  J'm'arrête là où l'cul d'mes potes est posé. On s'ouvre une bibine et on r'fait le monde, y en a toujours un qui pousse la chansonnette, un aut qui gueule ... et après on traine not gueule de bois dans les bouges crasseux, les squats vagues... là, y en a toujours un qui s'met à pleurer, une poulette qu'a chaud au derrière et un air de Pigalle qu'on entonne tous, éméchés.
       J'suis un romantique moi !
       La nuit c'est chez nous, not crête fait peur à personne, on nous a à la bonne ... La nuit tous les coqs sont gris ... C'est qu'au p'tit matin, écœuré, à l'aurore, quand le jour est pas encore levé, que j'rentre au bercail, que tous ces vendus ils allument leurs p'tites loupiotes et s'en vont au turbin dans leur belle voiture toute lisse, c'est là que j'gueule : NO FUTURE à tous ces cons addict au quotidien, à leur petite rengaine, à ces cons qui s'embastillent dans des boîtes et qui pigent pas qu'd'autres ont besoin d'air...

       Les poulettes sont plutôt cool elles me réconfortent en m'gloussant un air de Léo, même un p'tit air d'Hubert Félix quand ça leur chante. Pis y a l'proprio qui vient nous j'ter de la graine d'ananar qu'on est bien content de becqueter...
       Y a pas d'futur dans c'monde mais au présent j'suis comme un coq en pâte

 

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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 15:37

 

6-olivier-richon-2008-galerie-bendana-pinel-le-bestiaire-im.jpg

Et le soleil s'endormit sur l'Adriatique, Boronali

21_nqMHU-copie-1.jpgLe Lapin Agile


           Exercices de style quenottés, calembours, canulars et anagrammes voici le programme de l'anicroche cabotine à laquelle je vous invite. Oyez l'Histoire de l'Art bien réelle de l'an de grâce 1910.

        En bref, Petite Bohème en prose...

           Tout commence par un lieu calembour, le Lapin Agile, anciennement Cabaret des Assassins, qu'un caricaturiste André Gill a affublé d'un lapin portant redingote verte, écharpe rouge, et litron de vin et qui bondit d'une poêle à frire. De ce lapin on ne sait rien ; était-il gars, reine ? aucun indice, tout ce qu'on sait c'est que Gill l'a peint.

           L'autre acteur de l'histoire n'est pas un faussaire puisqu'il est bien un âne, un âne artiste précisément... Le bourricot du Père Frédé, alors propriétaire du Lapin Agile, se dénommait Aliboron dit Lolo en hommage à La Fontaine bien qu'elle versât plus d'absinthe que d'eau à la tireuse du troquet.

           Frédéric Gérard, dit le père Frédé, arpentait les sentiers Montmartrois comme à Brême les musiciens ; chien, corbeau, singe et âne l'escortaient sur les marchés des quatre saisons et s'acoquinaient bien sûr au Lapin Agile.

           Un jour, au caboulot, qu'autour d'une chopine, Dorgelès accusait Apollinaire de ne s'intérésser, je cite, qu'à l'Art de singe, alors qu'à défaut d'art simiesque il évoquait l'Art des Fauves, on se demanda si ce singe avait quelques talents cachés. Pourtant, c'est bien de Lolo qu'il s'agit et d'une bande de goguenards qui décidèrent de faire une farce à la barbe des pédants et amateurs de l'Art moderne entendez André Warnod et Jules Depaquit, écrivains, goguetiers et critiques d'Art.        

           Un matin d'espiègle humeur, Roland Dorgelès fit venir maître Brionne, huissier de justice, au Lapin Agile. L'homme de loi serait témoin du pied de nez qui allait se jouer. On peignit alors un simple plat fond ciel et sol sur une toile. Ceci fait, on accrocha un pinceau à la queue de l'âne Aliboron qui frétillait chaque fois qu'il gueuletonnait une carotte, une feuille de tabac ou bien de Marie-Jeanne pour plus de créativité. C'est ainsi qu'âne artiste créa l'impression : Et le soleil s'endormit sur l'Adriatique. Quand lassé de ce petit jeu, Lolo ne remua plus, on estima le tableau achevé et l'on le signa Boronali anagramme d'Aliboron.

          Cette œuvre plaisantine fut exposée au salon des indépendants de 1910 au grand dam des anartistes de la butte. Roland Dorgelès alla même jusqu'à biographier Boronali lui conférant une naissance gênoise puis le fit auteur du Manifeste de l'excessivisme dans lequel on peut lire ces mots :

" Holà! grands peintres excessifs, mes frères, holà, pinceaux sublimes et rénovateurs, brisons les ancestrales palettes et posons les grands principes de la peinture de demain. Sa formule est l'Excessivisme. L'excès en tout est un défaut, a dit un âne. Tout au contraire, nous proclamons que l'excès en tout est une force, la seule force... ”

           Le tableau d'abord boudé puisqu'exposé dans la salle des croûtes fut la cible de clabaudages contrastés mais fut finallement acheté pour la rondelette somme de 20 louis par un certain André Maillos. La boutade fut bientôt dénoncée au journal L'Illustration par son propre auteur, qui, débonnaire, reversa le butin à l'orphelinat des Arts.

           On a dit d'Aliboron qu'il se serait suicidé, noyé dans un étang après la mort du père Frédé. La tourmente touche les artistes de tout poil... La galéjade l'aura blessé dans son orgueil et la bohème, trop lointaine de la Normandie où il avait trouvé refuge, aura, de nostalgie, eut raison de de sa raison.
    Le lapin, quand à lui, a tu ses facéties mais rue des Saule et toujours bondissant il attend mélancolique qu'un singe ou quelqu'autre anartistes d'un trait remplisse son litron depuis trop longtemps désséché...    

 

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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 18:07

 

 

6-olivier-richon-2008-galerie-bendana-pinel-le-bes-copie-1.jpg

 

                 

     Des rais de lumière vaporeux s'infiltraient par les interstices des volets de bois et distillaient ça et là des paillettes de couleurs. La marche funèbre de Soap&Skin vibrait depuis le vieux tourne-disque. Accrochée aux murs l'araignée souriante d'Odilon Redon faisait de l'œil au Narcisse de Gustave Moreau. Des toiles en vrac jonchaient les coins de l'atelier, en rouleaux ou sur châssis, c'était là, Chagall, Soutine ou Delacroix qui ergotaient à propos d'esthétique.
      D'ordinaire baignée de clarté la pièce semblait laborantine ce jour là. Le faussaire qui excellait dans l'art de calquer, dupliquer, imiter, copier s'affairait ce matin ci autour des marmites, pilons et séchoirs. La nuit lui avait donné en songe l'inspiration, sa propre inspiration. Tout empreint du désir d'honorer son rêve, il s'était levé de bon matin et avait sillonné la ville à la recherche des ingrédients nécessaires à sa création. Il voulait que tout, absolument tout soit produit par ses soins. Ainsi il avait visité les épiciers, papetiers, minéralistes et droguistes de sa connaissance mais cette fois il s'était fait violence pour n'entrer dans aucune galerie ni musée, son œuvre serait unique, personnelle, intime. Aucune influence ne viendrait entacher son imagination nouvellement féconde. Il avait même trainé ses guêtres au bois où il avait glané des feuilles, de la terre et des fruits secs.
      Le faussaire devenu alchimiste s'adonnait avec ferveur et exaltation à sa tâche inédite. D'abord il prit soin de réaliser sa toile. Bouillies, treillissées et séchées les plantes fibreuses récoltées donneraient un support végétal idéal. Il suffirait alors de la mordancer à l'alun et sa toile pourrait recevoir sa carnation onirique. le blanc serait réalisé grâce à de la craie et un brin de kaolin pour plus de matité, pour le noir il traiterait la suie pour obtenir du bistre. Afin de nuancer sa palette il usa d'azurite de pastel et d'indigo pour une belle variété de bleus, puis il se servi de curcuma et d'ocre jaune qui doreraient son sujet. Le rouge, l'essentiel rouge, fut obtenu par des racines de garance moulues qui engendrèrent une laque couleur groseille, il lui fallait du violet pour un effet fantastique, un peu de bois de campêche, une once de ronce de mûrier et de l'orcanette des teinturiers firent l'affaire. De la malachite et du vert de gris, gratté puis séché lui donnèrent un échantillon de vert.
      Sa confection de pigments achevée, il médita un long moment devant ces pots de porcelaine bigarrés. Il devait calmer sa folie créatrice encore brûlante et se recentrer sur sa technique avisée.
    D'un trait noir, il ébaucha son ouvrage qu'il flouta de touches pourpres. Pour étayer sa couleur, il usa d'un jaune primaire, complémentaire, puis il badigeonna sa toile de colle de pâte. Il prit ça et là des pincées d'épice qu'il jeta sur la surface encollée ... ce qu'il fit après, même lui ne s'en souvint pas.
    Lourd sommeil qui suit la furie créatrice...

    Un œil ouvert, Puis refermé.
    Curiosité voilée d'œillère...
    éblouissement! Qu'ai-je créé ?
    aveuglement pour la chimère.

    Peau de Chagrin ou Dorian Gray ?
    Fascination qui m'enveloppe
    comme une peau cousue de gré,
    comme un émoi, moi interlope.

    Je suis perdu si la folie
    m'accole à mon enfantement.
    Envoûtements, mélancolie
    n'enchainez pas vos rougeoiements.

    Que ces carmins, ces bleus, ces parmes
    ne se révèlent qu'à l'œil étrange
    et que, tranquilles ils taisent leurs charmes
    comme décharné, un Michel-Ange.

    

 

 

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 14:14

 

 

21_nqMHU-copie-1.jpg

les fleurs bleues se sont tues

l'ardeur rouge est venue

Chrysanthème blanc

 

 


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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 18:16

   
 
  
          S'il vous arrive un jour de traverser le bois de H. vous risquez de tomber nez à nez avec le Fantasque et surtout fou : Hoffman. Ni le fantastiqueur, ni l'isolateur de l'acide, Non ! Mais bel et bien un savant mélange des deux. Et oui, Le Hoffman c'est un vieux, bourru et exalté à la fois, mais par dessus tout complètement fou !
          Il vit à l'instar d'Hansel et Gretel dans une maison comestible que les guides botaniques ne reconnaitront pas comme telle. Une amanite tue mouche géante lui sert de logis. Son toit est percé de touffes de cannabis, toutes les huisseries sont en opium et les vitres en crystal, un énorme alambique trône au centre du champignon et ses distillations permanentes sont évacuée par une cheminée en mercure. Ça et là des tableaux cartonné de LSD et quelques sculptures en rachacha rythment l'espace. Je vous laisse imaginer la cuisine ... innombrables pots aux substances en "ine" et poudre de perlimpinpin ...
          Ah le vieux loufoque !
          Probablement parce que sa psyché est troublée de paranoïa aïgue ou par simple superstition, lui même et sa maison sont truffés de grigris de toutes sortes : attrape-rêves, fer à cheval et pattes de lapin, main de Fatima, oeil du tigre et Nazar Boncuk pour chasser le mauvais oeil, talisman vaudou autour du cou, trèfle à quatre feuilles en bijou ... un attirail hétéroclite de protections qui finissent d'accoutrer le personnage.
          Le plus étonnant je crois, c'est quand arrive l'heure du thé. Parce que malgré ses fantaisies, Hoffman est fort sympathique, bizarre, farfelu même mais sympatique ! Si bien qu'il reçoit beaucoup et avec une singulière courtoisie... Il vous fait donc cérémonieusement asseoir sur d'étranges poufs moussus et vous sert un thé âcre à la psylocibine qu'il accompagne toujours de délicieux brownies. Et là, croyez moi ou non vous n'êtes pas près de partir ni de revenir d'ailleurs tant tout devient psychédélique, psyché bordélique ... Spirales infernales, zébrures, camaïeu infini et formes molles s'entrechoquent comme des planètes qui auraient perdu la boule. Vous voilà tout de go errant au coeur du cosmos...

          Métempsychose au corps céleste, anamorphose et palimpseste  ...

                    bon voyage

 


 

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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 15:12

 

 


 

         Dans le sublime théâtre à l'italienne des Lices, feutré de rouge et plein des vapeurs humaines impatientes, Baudelaire et la troupe de l'atelier volant ont fait revivre Poe dans un spectacle au titre éloquent : Extraordinaires. Au beau milieu de la scène, une chaise; tout autour la pénombre. Un poète vient à passer et son subconscient lui fait écho. Puis ce sont des portes qui viennent se dresser là, comme des ouvertures sur l'infinité de l'horreur, ou encore comme les portes de la perception de Blake invitant le spectateur à pénétrer les mystères de son propre inconscient ou de son propre cauchemar. Tel un tableau impressionniste, le décor, la lumière et le mouvement des comédiens jettent ça et là d'émouvantes sensations. Sensations noires, parfois grinçantes qui glacent.

         Le décor est minimaliste mais juste, sons et Lumières créent l'atmosphère. Mélanger ainsi diverses œuvres et réussir à plonger le public dans chacune sans le perdre n'était pas pari aisé, et pourtant les quelques objets dénichés dans des brocantes ont suffit à créer un monde fantastique, un monde que les comédiens habitent et où ils invitent le spectateur. Portes par où les acteurs vont et reviennent, chandelier de cristal ou suspension vacillante, flamme de bougie et clair-obscur sont tout autant d'éléments qui cadrent et définissent le verbe de Poe. Les portes ouvrent la perception du cauchemar, de l'irréel ou bien du surréalisme, outre leur fonctions transitoires ces portes frayent le chemin du subconscient et le symbolisent. Un air de piano ébauche le voyage extraordinaire, des voix chuchotantes ou hurlantes angoissent, puis des cloches sonnent midi, des portes claquent et un son électronique d'outre-tombe rythment étrangement la marche éternelle de la morte. Regorgeant de trouvailles scéniques il en est de même pour les costumes. Ainsi les mortes portent-elles une robes blanche que bleuit un effet de lumière, où l'Ange du Bizarre porte le couvre-chef décrit comme son habit dans le livre. Le célèbre Raven est quand à lui juste évoqué grâce à un jeu d'ombre chinoise.

 

         La mise en scène de Laurent Pelly qui s'est construite à partir d'improvisations des comédiens suit un fil thématique qui met en lumière l'adaptation judicieuse d' Agathe Mélinand. Elle dit aimer les mots et le spectateur s'en rend tout de suite compte, le verbe des acteurs résonnent en effet avec toute la poésie de Baudelaire et l'imaginaire de Poe. On entend même une rimes ici ou là justement posée, phrasée avec justesse. Dialogue et monologues se succèdent conférant ainsi au spectacle un rythme qui ne s'essouffle pas. La pièce commence avec “The Philosophy of Furniture” et se termine par la fin de cette même nouvelle. Comme par un système de poupées russes les nouvelles s'imbriquent harmonieusement, ainsi la Maison Usher abrite-t-elle plusieurs histoires. Exploitant les thèmes récurrents de Poe, l'atmosphère étrange prend ici tout son sens. On retrouve par exemple plusieurs fois l’ensevelissement prématuré dans The Duc De L'Omelette ou The Premature Burial ou le fantôme féminin dans "the Fall of the house of Usher" ou "The Oval Portrait " qui est monologué par l'incarnation du portrait. les mots de Baudelaire quasi inchangé ici, sont déclamé avec une voix d'une pureté étrange et terrifiante.

         Subtilement chorégraphiée, la pièce apparaît presque comme un ballet. Les acteurs se meuvent avec la lenteur d'un mort-vivant. Quand la folie intervient comme dans "The System of Doctor Tarr and Professor Fether", tout s'accélère, une folle ouvre d'ailleurs la scène à la manière d'un derviche tourneur. "The Angel of the Odd" hurle et adopte excellemment le langage grotesque que Poe lui a assigné. Un enchevêtrement humain met en scène "Le Roi peste" qui scande : «Trahison» avec ses sbires. Aussi un jeu de répétition montrant tour à tour démon, ivrognes, fantôme et corbeau accentue l'inquiétude du spectateur, cette redondance est réitérée avec les mortes qui infiniment erreront et hanteront les maisons où elles ont péri. Les transitions sont malines si bien que toutes ces nouvelles fusionnent en une œuvre harmonieuse que Poe aurait sans doute saluée.

 

        Ce spectacle synthétise la peur, le grotesque, le rire et la poésie. Défaites vous de tout vos carcans intellectuels et aventurez vous dans un voyage atmosphérique aux portes de l'étrange ; vous en sortirez émerveillé et avec le désir de dévorer l'œuvre intégrale d'Edgar Allan Poe.


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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 09:26

 

 

 IOrpheetEurydicedeJeanBaptisteCorot.jpg                                                                          Orphée et Eurydice, Corot

        Je me couche dans la luxure, me noie dans l'ivresse, me bâfre de cacao, m’alanguis oisif ou me plonge dans la fange _ avec distinction. Je suis Le Faune et non la faune, guilde de mes congénères. Tandis que mes semblables se vautrent dans les sphères les plus vulgaires, je poétise la concupiscence ... Par instinct orgiaque, ils baisent, fument, boivent, dévorent mais sans grâce aucune, JE glorifie l'art de la Bacchanale parce que je suis lecteur et bibliophile. Les livres ont façonné ma débauche naturelle, ils l'ont ciselée, parfumée jusqu'à lui donner une beauté exquise.


                    J'ai tapissé les murs du cyprès, qui me loge, d'innombrables rayonnages qui vont jusqu'à son faîte si près du ciel. Par un système judicieux d'échelles adaptées à mes sabots, je peux soustraire à mon décors un titre des éditions blanches que je possède intégralement, ou bien c'est un de ces jolis volumes de chez la Musardine ... Au pinacle de mon arbre, j'ai placé, près d'une orchidée, le bijoux de toile rose numéroté de Araki, livre d'image d'une obscénité délicate qu'il m'arrive de feuilleuter après que mes homologues m'ont retranché dans mes instincts faméliques et inesthétiques.

 

        Un matin que, lové "dans la feuillée, écrin vert taché d'or", Rimbaud me soufflait ses Voyelles, on cogna si fort mon cyprès qu'une étagère céda, étalant à mes pieds les onze milles verges d'Appollinaire, l'anus solaire de George Bataille et l'oeuvre complète et originale du Marquis de Sade, reliure en demi-basane fauve clair et réhaussé de caissons à fleurons dorés, s'il vous plaît. Désemparé et hors de moi, j'ouvris prêt à foudroyer l'inoportun. Et quel ne fut pas ma surprise ! Mallarmé lui-même ne m'aurait pas offert plus belle vision, une Nymphe à l'éclat sans pareil se trouvait toute jambe en l'air au seuil de mon arbre. Un satyre de mes ennemis lui avait préféré une plus gironde et l'avait propulsé là à coup de sabots. Je l'aidai à se redresser et lui offris d'entrer. Je l'installai sur un coussinet de lierre et lui servis un verre de ce vin si fruité dont ma cave racinaire regorge. Elle attrapa l'Aphrodite de Pierre Louys, un petit cartonnage en percaline rouge et m'avoua tout à trac sa passion pour ces auteurs qui disent le désir en écrivant le plaisir. Nous figeâme le temps. Débats littéraires animés, caresses lascives et délectation des chères les plus fines nous occupèrent pendant de longs jours.

 

       Pourtant m'extrayant de cette précieuse quiétude, une après-midi qu'une bande de grossiers faunes fanfaronaient devant mon antre, un caprice primitif me prit et je suivais mes cousins dans leurs immondes priapées. Des nymphomanes rugueuses et gouailleuses faisaient couler un mauvais alcool dans mon si délicat gosier et nous forniquâmes comme des damnés. Humides langues, sexes durs et cuisses grasses s’enchevêtraient jusqu'à l'écœurement. Et je m'adonnais à ces jeux glauques avec une frénésie salace.

 

         La nuit venue, encore tout étoudi du cauchemar auquel mes instincts m'avaient forcé, je couru, je couru à en perdre haleine jusqu'à mon paisible cyprès. Ma dryade n'était plus là. Les photographies d'Araki ne me consolèrent pas, ni même mon delicieux vin.

                        La honte ressentie pour ma triste condition mua en lamentations et je me scandais telle une litanie ces mots punitifs :

       

       _ Ce n'est ni par luxure, ni avarice, ni gourmandise, ni paresse ni colère ni envie que je pèche mais bien par orgueil ! Je suis un faune, par essence lubrique et ma collection de livres n'y change rien. Je méprise mes semblables quand je suis tout comme eux, je suis maudit sans avoir pactisé. Mes instincts sont esthètes quand ils devraient être vils et vice et versa. La nature m'a condamné à la souffrance en m'asservissant à la beauté.

Je suis paria.

 

 


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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 15:13

 

PouvPhyPsyOp.jpg

 

Luminescence sybilline,

fleur inodore in-octavo.

Rouge vermeil

Coquelicot

 

Enfiles ta paresse

et dévêts toi de ta détresse,

c'est présentement que tu pars

au pays du brouillard.

 

Coquelicot sommeil

 

Alangui, le fin beau de l'air

t'affleureras, lunaire,

te vaporera d'artifices

jusqu'à l'Eden des Lys.

 

Coquelicot éveil

 

Mets ta Morphée des doubles,.

l'âcre nuée au parfum trouble

t'enroules et déroules et t'allonges

et t'habilles de songes.

 

Coquelicot merveille

 

Inflorescence violine

Capsule anaphore aux griots

Pavot vermeil

Coquelicot

 

PouvPhyPsyOp

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 14:34

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             Qu'on me traite de vieux réac !
          J'aurais bientôt sept milles ans, autant d'années que Pline le Jeune compte de poisons. C'est vous dire combien j'ai cure de vos avis.
          J'ai porté un âge : le Bronze-Arsenic, on l'a vulgairement remplacé par le fragile Etain qu'on a dit plus ductile...  Pour glorifier un temps, c'est l'Or qui l'emporte alors qu'il m'exhale. J'offre pourtant bien plus de nuances ; l'Orpiment, c'est moi, quand je suis jaune comme la jalousie, le Réalgar, c'est encore moi habillé de sang cette fois.     
         On se joue de moi !
         Arsenic, je deviens Arts scéniques, en 1944, Franck Capra m'affuble même de vieilles dentelles,  je suis pourtant Arsenikon : l'essence du mâle !  Pour sûr c'est un coup d'Arsène Darmesteter, ce linguiste pédéraste ! Ou bien c'est ce fieffé Arsène Lupin qui m'aurait volé ma racine grecque... Voilà un temps où l'on me respectait : le monde Antique, bien que je n'ai jamais compris pourquoi Socrate avait choisi la cigüe, ni Cléopâtre l'aspic.

        Au VIIIème siècle, un alchimiste, Jabir Ibn Hayyan  me minéralise et m'offre le titre de : “poison des rois et roi des poisons”, une consécration ! Les romains, ritals gredins, me préfèrent le cyanure.  Au XVIIème siècle, je suis en vogue et deviens la “poudre de succession”, je suis celui qui dompte le mâle, les précieuses assassines m'utilisent pour de l'Or (toujours, il me dame le pion !). Mais encore on me retire mes titres et cette fois ce sont les puritains de Notre Dame qui me chassent par la Chambre ardente.
         Victoire ! les victoriens me remettent à la mode mais les enfants d'Hyppocrate me trouvent un antidote et je m'évanouis.
         Le monde va à vau-l'eau !
         Aujourd'hui, minuscule particule, je suis partout désincarné, innommable... Pesticide, antibiotique, insecticide, transistor ou laser.
         Métalloïde, allotrope du métal et du non-métal.

         Substance léthale.

         Numéro atomique 33.

 

 

   
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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 12:38

  25-copie-1.jpgbe1891-1a.jpg

 

                     Laissez moi vous conter l'histoire de l'oinoir, animal singulier qui ne s'apparente en rien à ses homologues bernaches mais qui a bel et bien un récit fantastique à vous livrer...

 

             Sous les noms de myrmidon, tamandua, fourmilier, tamanoir, une bête, élastique et fabuleuse, voyage à l'ombre des tropiques sous une végétation dense.

             A des milliers de kilomètres de-là sous les noms de menuridae, novaehollandiae ou oiseau-Lyre vit une créature ailée dans les mêmes forêts humides.

 

             Le Tamanoir évoluait dans le manoir sauvage de la jungle sud-américaine. Très solitaire, il aimait voyager et il lui arrivait bien souvent de tracer sa route par le centre de la terre, son long nez effilé lui permettait de creuser des tunnels raccourcissant les chemins qui le menaient à l'océan, la rivière ou les villages des hommes. Il était un esprit libre et curieux qui errait au fil des merveilles de sa forêt.

             L'oiseau-Lyre était un artiste musicien. En somme, il exerçait le métier de barde. Son singulier talent d'imitateur concourrait à son repertoire, et par toute l'Océanie on attendait sa venue pour jouir de son spectacle.

 

             Un jour d'escapade alors qu'il avait atteint la mer, le tamanoir creusa tant et tant qu'il ne pu revenir en arrière, il décida alors d'aller de l'avant. Il se nourissait de petits vers de mer et de minuscules poissons qui s'étaient nichés là, dans de petites poches d'eau. Sa marche dura de longues semaines, peut-être des mois ... Quand l'eau commença a lui paraitre moins lourde au dessus de lui, il tenta de percer son tunnel et vit comme des paillettes scintillantes : le soleil. Il s'était retrouvé sur une plage, ce qui ne le dépaysa pas. Son tempérament aventureux le décida pourtant à explorer la forêt avoisinante.

            L'oiseau-Lyre était en pleine représentation quand il l'aperçut pour la première fois. Et quel fut sa fascination devant le concert lyrique que donnait l'oiseau ! Il n'avait jamais rien entendu d'aussi beau si bien qu'il prit place et s'assit au côtés de créatures qui lui parurent étranges. L'un tout de roux vétu portait son enfant dans une poche ventrale, un autre ressemblait aux oursons de sa forêt avec des airs de paresseux enfin toutes sortes de personnages à poils ou à plumes tous plus bizarres les uns que les autres.

           Il attendit la fin du spectacle et alla complimenter l'oiseau chanteur.

 

            Aussitôt, ils se reconnurent. L'un et l'autre se contemplèrent comme hypnotisés. L'oiseau admira l'allure formidable du tamanoir et lui s'extasia pour le plumage superbe de l'oiseau. Il ne dirent mot avant quelques magiques instants, puis se comprirent.

            L'oiseau-Lyre convia le tamanoir à un voyage. Il connaissait un chamane aborigène qui vivait au fin fond de la jungle, il possédait, conta l'oiseau, des pouvoirs enchanteurs. Ils crapahutèrent de longs jours à travers la forêt, et offraient un singulier spectacle aux autochtones, l'oiseau était en effet perché sur le dos du tamanoir. Habitués l'un et l'autre au même régime alimentaire, ils festoyaient chaque jour de leur chasse respectives, ils échangeaient aussi beaucoup et se racontaient les légendes de leurs forêts avant de s'endormir dans des nids de verdure. 

 

           C'était le crépuscule quand ils virent rougeoyer un grand feu à quelques pas d'une hutte.

           Baiame, c'était le nom du sorcier, les attendait. Il les convia dans sa hutte, petite alcôve parfumée où régnait une ambiance mystique. Alors que les deux amis balayaient son antre du regard, Baiame bourrait deux petites pipes de ce qu'il appelait “Pituri” ou “Duboisia hopwoodii et il les invita à prendre place autour du feu. Là, il placa les deux pipes dans bec et gueule dentée et les alluma. Baiame entama un bourdonnement mélodieux avec son didjeridoo et les deux amis se mirent à tournoyer comme en transe. Le chamane quitta son instrument sans que ne cesse la musique et chanta. Il psalmodiait “Tjukurpa ” ce qui veut dire “le temps du rêve”, le temps, qui selon les aborigènes, précède à la création. C'était là, qu'il les menait, au temps où tout était encore possible, au temps de l'incréé.

             Le tamanoir gazouilla, zinzinula, trompetta et hurla, l'oiseau se tint sur quatre pattes griffues et touffues, l'un et l'autre commençaient à se confondre. Au petit matin après s'être assoupis les deux amis se cherchèrent du regard sans se trouver. L'oiseau se sentait alourdi, le tamanoir allégé. Puis ils se rendirent compte qu'ils ne faisaient plus qu'un. L'oiseau avait gardé sa voix enchanteresse et son majestueux plumage, le tamanoir sa fière allure et son nez si habile. L'originale créature pétrie de musique et de liberté pourrait à loisir comtempler la Terre depuis son coeur, le ciel ou sa surface.

           L'Oinoir était né.

           Il se sentait plein de gratitude pour Baiame et plus généralement pour la magie universelle. Après une envoûtante parade en l'honneur du sorcier, l'Oinoir lui promis de colporter de par le monde son histoire ; celle d'un être né de l'union de deux êtres a-priori solitaires et que tout opposait... 

 

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Déracinés ...

imagesCAZKQ4OQ   " La lisière est belle , s'était toujours entendu dire la jeune fille par ses parents, nous avons bien de la chance  de pouvoir admirer la forêt de nos fenêtres mais, point trop n'en faut. Notre vraie vie se déroule dans les prés, les villes, et villages, les églises et écoles, tous ces lieux harmonieusement disposés et cartésiennement surveillés par les diverses instances de l'ordre social, économique, religieux, et politique."                   

Nancy Huston   femme-arbre2

  "Il y a deux sortes d'arbres : les hêtres et les non-hêtre."

 Raymond Queneau

chaignon li rose

" L'harmonie fut ma mère dans la chanson des arbres et c'est parmi les fleurs que j'ai appris à aimer."

 Friedrich Hölderlin

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"C'est l'hiver, les arbres sont en bois"  

Jules Renard  

Krishnamurti

  "La beauté inclut évidemment la beauté de la forme; mais sans la beauté intérieure, la simple appréciation sensuelle de cette beauté de la forme mène à la dégradation, à la désintégration. Il n'est de beauté intérieure que lorsqu'on éprouve un amour véritable pour les gens et les choses qui peuplent la terre, cet amour s'accompagne d'un très haut degrè de considération, de prévenance et de patience."

 

kris

" Cette terre est la nôtre, elle n'appartient ni aux communistes, ni ni aux socialistes, ni aux capitalistes; elle est à vous et à moi, prête à nous offrir une vie riche, heureuse, sans conflit. Mais ce sentiment de la richesse de la vie, ce sentiment de bonheur, ce sentiment qui nous souffle : "Cette terre est à nous", ne peut être suscité par la coercition ou par la loi. Il ne peut venir que de l'intérieur, parce que nous aimons la terre et tout ce qui l'habite : voilà ce qu'est cet état de perpétuel apprentissage."

HaïKuS eStAmPéS

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Jupe virevoltante

et chignon haut placé

 

Je l'ai vu passé

rue de la Gaîté

 

belle

         belle

                  belle

à pleurer

 

Givaudan

estampe japonaise 1

Orchidée du soir

cachant dans son parfum

le blanc de sa fleur

Buson

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Ni sourire

ni larmes

dans cet hibiscus

Ransetsu

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Rampant sur le sol

de la maison déserte

un volubilis

Shiki

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Sur un tas d'ordures

un volubilis a fleuri -

tardifd'automne

Taigi

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Visite au cimetière

le plus jeune enfant

porte le balai

Issa

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Descendant du champs

ruisselant sur eux

l'eau de l'automne

Buson

BULLE NEIGE 

Sous la lune voilée

les fleurs de Kaido

sommeillent

Kikaku

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Si rudement tombe

sur les oeillets

l'averse d'été

Sampû

PONT HIROSHIGE 

Averse d'été -

les moineaux du village

s'accrochent aux herbes

Buson

estampe 

Même au fond des puits

on peut voir les étoiles

Givaudan

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ROUGE

DREAMSELLER by notmystyle 

Ocre rouge, rouge rubis, vermillon, cramoisi, pourpre, sang, carmin, écarlate, lie de vin ... Les nombreux mythes qui évoquent la genèse de la Terre la décrivent de couleur rouge. La science a mis en évidence que le pigment le plus répandu à la surface du globe est l'oxyde de fer qui devient rouge dès qu'il s'altère. Il est donc très probable que le premier continent fut effectivement rouge à l'aube de son Histoire...  

  plagerouge en Chine

La plage rouge de la province de Liaoning en Chine. Les algues de ce marais d'eau salée rougeoient nos mois d'été...

 

Rouge

le rouge de Zao Wou Ki

 

 

l'iris est un coeur...

" Chaque fois qu'un enfant dit : "je ne crois pas aux fées", il y a quelque part une petite fée qui meurt"  

James Matthew Barrie Peter Pan

 

  Fairies Looking Through A Gothic Arch, John Anster Fitzerald 


"Fées répandez partout la rosée sacrée des champs " 

William Shakespeare, Le songe d'une nuit d'été 

Spirit-of-the-Night--1879

Spirit of the Night, John Atkinson Grimshaw

 

"La bonne grâce est le vrai don des fées; sans elles on ne peut rien, avec elle on peut tout."

Charles Perrault, Cendrillon  

Les_anemones_1891-copie-1.JPG

Les anémones, Maurice Denis


"Le hasard, c'est le déguisement de Dieu pour voyager incognito." 

Saint Exupery