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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 08:30
A mon seul désir - Yannick Haenel

Lire ce court récit de Yannick Haenel, c'est embarquer pour une promenade sensorielle cousue de fils poétiques. C'est se perdre dans la soyeuse robe de la Dame à la Licorne et en distiller les moindres secrets. C'est encore vivre une experience sensuelle et intemporelle  au cours d'une balade parisienne où le printemps affleure.

Cet ouvrage, imprimé sur papier crème et rythmé par de jolis médaillons de la "Dame", permet au lecteur d'appréhender la fascination qu'exerce la fameuse tapisserie, et cela en douceur avec toute la délicatesse d'un amoureux pudique... Ce petit précis où les plus grands poètes y vont de leurs bons mots : Lautréamont, Baudelaire, Rilke ou Rimbaud est absolument délicieux et s'y laisser flâner, puisque "la jouissance est le temps qui jouit en nous lorsque nous sommes disponible au temps" est un réel exercice poétique.

A mon seul désir - Yannick Haenel

"(...) il n'existe pas seulement "cinq sens", ni même six ou sept. Les sensations sont libres : elles se dédoublent, elles triplent, s'enchevêtrent, se multiplient. Les "cinq sens" désignent une idée restreinte du corps. Ils n'affectent que les vieux corps, les corps caducs, ceux qui sont travaillés par le code."

A mon seul désir - Yannick Haenel

"Vous ne saisissez pas bien de quoi il s'agit, tout ce rouge, ces gestes de femmes, ces animaux, ces bijoux, ces armoiries. Les délicatesses foisonnent, elles volent partout. Vous sentez que vous en aurez pour des heures, des journées entières à goûter ce luxe."

A mon seul désir - Yannick Haenel

"Vous pensez au mot "délicatesse", au mot "secret", à nouveau au mot "poésie". Vous vous dites qu'un secret poétique s'offre à vous en se dérobant. Il se met à l'abri, et vous surprenez ça : l'instant calme d'un monde qui se réserve. Vous vous sentez non pas exclu, mais au contraire étrangement invité. "

A mon seul désir - Yannick Haenel
"Elles sont là, toutes les six, et à travers ce rouge, ce bleu, ce jaune, ces visages et ces archipels, ce qui vous saute aux yeux, d'une manière opulente, c'est la poésie. "

 

A mon seul désir - Yannick Haenel
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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 07:19

 

Quand je serai vieille, j'n'aurai plus peur de rien, ni de personne...
Je porterai des chapeaux rigolos, j'mettrai plus de soutien-gorge et mes formidables lunettes me donneront un air de chouette.
J'irai faire mes courses en robe d'hôtesse et je n'mettrai jamais de chaussures.
Je fumerai le cigare partout sans égard, pour que son parfum imprègne les bois, les livres et les tissus, ptêt même que je me r'mettrai au pétard...
Je conterai mes facéties aux enfants des parages qui m'aimeront bien; avec eux on mangera du chocolat qui nous fera des moustaches et on se photographiera et puis on filera au grenier pour se déguiser et s'inventer un monde qui n'appartiendra qu'à nous...
J'aurai plein d'histoires à raconter et je saurai mettre le ton;
On me tiendra enfin en respect et dès que je sentirai un brin de condescendance pour mon antique carcasse, je choquerai le fat avec un doigt d'honneur et un rot tonitruant.
Quand je serai vieille, je serai moi, en vrai, en pure, en épanouie et on ne me jalousera plus, on ne me donnera plus de leçon.
J'aurai le droit d'être belle et plus fine que les autres et je saurai être belle et plus fine que les autres.
Quand je serai vieille j'aurai la fougue de la jeunesse...
J'escaladerai les dernières marches avec panache, j'n'aurai plus peur de rien, ni de personne...

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Inspiré de Jenny Joseph :

 

When I am an old woman I shall wear purple
With a red hat which doesn’t go, and doesn’t suit me.
And I shall spend my pension on brandy and summer gloves

And satin sandals, and say we’ve no money for butter.
I shall sit down on the pavement when I’m tired
And gobble up samples in shops and press alarm bells
And run my stick along the public railings
And make up for the sobriety of my youth.
I shall go out in my slippers in the rain
And pick flowers in other people’s gardens And learn to spit.

You can wear terrible shirts and grow more fat
And eat three pounds of sausages at a go
Or only bread and pickle for a week
And hoard pens and pencils and beermats and things in boxes.

But now we must have clothes that keep us dry
And pay our rent and not swear in the street
And set a good example for the children.
We must have friends to dinner and read the papers.

But maybe I ought to practice a little now?
So people who know me are not too shocked and surprised
When suddenly I am old, and start to wear purple.

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Jenny Joseph

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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 08:13

Saint Sebastien (Cf : La légende dorée de Jacques de Voragine) est le sujet de 3 tableaux de Andréa Mantegna, peintre et graveur renaissant qui après un apprentissage  dans l'atelier éclectique de Francesco Squarcione à ¨Padoue devient peintre de cour. Là, il réussit à imposer un changement de goût radical, du gothique tardif romanesque et orné à l'humanisme archéologique et perspectif. L’artiste de Padoue vivait à une période de fréquentes épidémies de peste et saint Sébastien, qui a survécu à sa condamnation à mort par sagittation, était considéré comme un protecteur contre cette maladie. Lors de son long séjour à Mantoue, Mantegna résidait près de l’église dédiée à saint Sébastien.

Le martyr de saint sébastien, Andrea Mantegna, 1456-1459. Panneau, 68/30cm, Kunsthithorishes Museum, Vienne

Le martyr de saint sébastien, Andrea Mantegna, 1456-1459. Panneau, 68/30cm, Kunsthithorishes Museum, Vienne

Il est supposé que cette image a été créée après que Mantegna a survécu à la Peste noire à Padoue (1456-1457). Probablement une commande du Podestat de la ville pour célébrer la fin de l'épidémie, elle était terminée avant que l'artiste ne parte pour Mantoue. D'après Eugenio Battisti le thème s'inspire de l’Apocalypse de Jean. Un cavalier est représenté dans les nuages au coin supérieur gauche. Comme précisé dans l’œuvre attribuée à saint Jean, le nuage est blanc et le cavalier tient une faux pour couper le nuage. Le cavalier pourrait représenter Saturne, le dieu gréco-romain symbole, à l'époque, du temps qui passe et de tout ce qu'il laisse détruit derrière lui. Au lieu de la figure classique de Sébastien attaché à un poteau du Champs de Mars, il est ici représenté contre un arc, soit un arc de triomphe soit une porte de la ville. En 1457, le peintre est attaqué par l’Église pour n’avoir peint que huit apôtres dans sa fresque de l’Assomption. En guise de réponse, il appliqua les principes du Classicisme d'Alberti dans ses œuvres postérieures, dont ce petit Saint Sébastien, affecté par sa propre nostalgie. Les principales caractéristiques du style de Mantegna sont la pureté de la surface, la précision « archéologique » de sa reproduction des détails architecturaux et l'élégance de la posture du martyr. La signature de Mantegna est inscrite, en grec, à la verticale, à droite du saint.

Le martyr de saint Sebastien, Andrea Mantegna, 1480. Toile, 255/140cm, Musée du Louvre, Paris

Le martyr de saint Sebastien, Andrea Mantegna, 1480. Toile, 255/140cm, Musée du Louvre, Paris

Le Saint Sébastien d’Aigueperse aujourd'hui au Louvre faisait jadis partie du retable de San Zeno de Vérone. Chiara de Gonzague, fille de Frédéric Ier de Mantoue, qui épouse Gilbert de Montpensier, dauphin d'Auvergne, en 1482, le donne à la Sainte-Chapelle d'Aigueperse, en Auvergne. Il ne rejoint le musée du Louvre qu'en 1910. L’image illustre vraisemblablement le thème de l’athlète de Dieu inspiré par un sermon apocryphe de saint Augustin. Le saint, attaché à un arc antique est observé d’une perspective inhabituellement basse, choisie par l’artiste pour renforcer l’impression de solidité et de domination du sujet. La tête et les yeux tournés vers le Ciel confirment la fermeté de saint Sébastien dans la souffrance du martyre. À ses pieds, les deux archers créent un contraste entre l’homme de foi transcendante et ceux qui ne sont attirés que par des plaisirs profanes. En plus du symbolisme, l’image est caractérisée par la précision de la représentation des ruines antiques et par les détails réalistes tels que ce figuier à côté de la colonne et l’anatomie du saint. En arrière plan de ce Saint Sébastien du Louvre, on aperçoit les ruines antiques, décor classique des tableaux de Mantegna. Le chemin escarpé, les graviers et les grottes font référence à la difficulté d’atteindre la Jérusalem céleste, la ville fortifiée au somment de la montagne, au coin supérieur droit de l’image, décrite au chapitre 21 de l’Apocalypse de saint Jean.

Le martyr de saint Sébastien, Andrea Mantegna, 1490. Panneau, 68/30cm. C'ad'Oro, Venise

Le martyr de saint Sébastien, Andrea Mantegna, 1490. Panneau, 68/30cm. C'ad'Oro, Venise

Pik

Le troisième Saint Sébastien de Mantegna peint quelques années plus tard, vers 1490, très différent des précédentes compositions, dénote un pessimisme marqué. La représentation du saint torturé s’impose devant un fond brun, sombre et neutre. L’artiste explique ses intentions dans la banderole enroulée autour de la chandelle éteinte, au coin inférieur droit. Il y est écrit en latin : Nihili nisi divinum stabile est. Coetera fumus (« Rien n’est permanent si ce n’est divin. Le reste n’est que fumée »). Le fait que le thème de la fugacité de la vie ne soit généralement pas associé aux images de saint Sébastien paraît justifier la nécessité de cette inscription. La lettre M formée par les flèches croisées sur les jambes du martyr pourrait signifier Morte (« Mort ») ou Mantegna.
 

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26 mai 2015 2 26 /05 /mai /2015 18:26

Un livre merveilleux offrant une galerie de portraits tous plus touchants les uns que les autres...
Depuis la jungle amazonienne, jusqu'à la trattorria du marché d'Asti en passant par le Chili ou la Suisse allemande, Sepùlveda nous emmène de rencontre en rencontre dans ce que la nature a de plus bouleversant... Puissamment nostalgique ce petit ouvrage anobli les humbles et désacralise les grands...
Un véritable chef d’œuvre-hommage mêlant poésie, humanité et émotion !

 

 

Les Roses d'Atacama par Sepúlveda

"Que laisse un exilé ? Quelques photos, la calebasse du maté, la pipette d'argent, des livres de Neruda."

"Sur des troncs à moitiés submergés, les tortues invitent à la contemplation oisive des vingt mille espèces de papillon de Manù, car ici c'est la terre des couleurs, et en font foi non seulement les papillons mais aussi la theobroma, une orchidée rouge vif, phosphorescente au crépuscule, qui pousse sur les troncs de la chonta, ou encore la lèvre de fiancée, une autre variété d'orchidée bleue au parfum vanillé. On trouve aussi à Manù des couleurs stimulantes pour les papilles, comme celle de la tabernamontana qui invite l'assoiffé à boire sa pulpe orangée et parfumée.

(...)

La nuit la forêt enveloppe tout de son silence particulier construit de mille rumeur. C'est le mécanisme prodigieux de la vie qui tend ses muscles pour faciliter l'accouchement de la "Venus nocturne", une petite orchidée de la taille d'un bouton de chemise, d'un violet vif, qui ouvre ses pétales aux premières lueurs de l'aube et meurt quelques minutes plus tard, car la minuscule éternité de sa beauté ne résiste pas à la lumière de Manù qui change sans cesse, selon les humeurs du ciel, de l'eau et du vent"

"Je connais l'histoire des Balkans mais je n'arrive pas à comprendre le problème actuel, et je suis sur que la plupart des Serbes, des Croates, des Monténégrins, des kosovars, des Slovènes, des Bosniaques et des Macédoniens ne le comprennent pas non plus, car ils n'ont connu que l'efficace manipulation de l'histoire officielle, celle qu'écrivent les vainqueurs"

"Piquante sont les graines de la yahuasca, peut-être parce qu'elles dissimulent ainsi la douce liqueur qu'elles produisent et qui, bue sous la protection des vieux sages, dissipe le tourment des doutes sans fournir de réponses, mais en enrichissant l'ignorance du cœur."

Résultat de recherche d'images pour "les roses d'atacama"

"Cet homme qui pousse son canot sur la plage de sable fin et se prépare à accueillir le miracle qui, chaque soir, dans la forêt, ouvre les portes du mystère, cet homme est nécessairement mon frère."

"Tout va bien. La nuit presse la pulpe des fruits, éveille le désir des insectes, calme l'inquiétude des oiseaux, rafraîchit la peau des reptiles, ordonne aux lucioles de danser. Oui, tout va bien."

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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 18:39
BELOVED TONY MORRISON

Toni Morrison's work is deeply rooted in the esoteric mystery and depends on a triple time in which the ambivalence between life and death is constantly confronted.

Essentially based on the novel Beloved, my study will briefly sweep over the whole Toni Morrison's work to support my theory.

Through her work, Toni Morrison explores the sacred. The characters, the places and the situations that she livens up allow the reader to experiment two worlds, one material and another spiritual. Deeply mystic, the work of Morrison gets back numerous religious symbols. Essentially biblical, the religious references which she uses, also come along with old African faiths. So the trinity, the return after the death, the myths of creations... Besides these symbols, Toni Morrison uses the senses of the characters and the reader to open the way to the sacred. So by the material, the spiritual comes to light. Everything is ambivalence in Toni Morrison's work, then the sacrifice appears at the same time saving and avenging. Toni Morrison's work is a biblical metaphor enriched by old animists faith involving the notion of the sacrificial child of a God at the same time avenging and merciful. Toni Morrison makes sacred her characters by giving them name of biblical origin in The Song of Solomon for example and explains this process of writing: "that gesture of getting something holy". Toni Morrison's work is deeply rooted in the esoteric mystery and depends on a triple time in which the ambivalence between life and death is constantly confronted.

The biblical symbols and the ones borrowed from the blacks civilization are legions. Then to read Toni Morrison is almost to read an illustrated Bible along with voodoo practices. Everything, in the novel Beloved, relates to the trinity. The Christian trinity, that of the father, the son and the holy spirit. So, Toni Morrison declines the story of slavery in three novels, a trilogy which begins with Beloved, continues by Jazz and ends with Paradise.

Beyond the purely Christian aspect, it is the notion of the sacred that is unfolded here. Indeed, the Indian trimûrti which means “the three forms” can also been applied to Toni Morrison work. The trimûrti is the shown part of the divine which becomes triple to preside the various state of the cosmos. The difference between Christianity and Hinduism is the conception of return after the death, that is the resurrection for the first one or the reincarnation for the second. The importance of the flesh for Christians, that of the impermanence of things for the Indians. A thing, nevertheless, united them, this unwavering trinity and the faith in soul, the divine spirit which gives life to beings. If I evoked here the Hinduism, it is to underline the fact that the trinity is not only Christian and that a mystic notion is applied to it. Afro-Americans, although Christians, preserved a certain animism and a tendency for a more profane spirituality. And Toni Morrison opens the access to this religiosity. So the ghost is accepted as a wandering spirit and not as a phantasmagoria. But let us return to this notion of sacred and trinity. Two series of three women live in 124 : Babby Suggs “the holy spirit”, Sethe “the father” and Denver “the son” then Beloved “the holy spirit”, Sethe “the father” and Denver “the son”.The trinity is permanent at home. Beloved appears, after the fair, while Denver, at first contrary, gets ready to welcome Paul D as a father. On the way back they appear as the Holy family : Joseph, the carpenter, Mary, the virgin and the child Jesus. Paul D would be then "the father", Sethe "the holy spirit" and Denver "the child Jesus". The male presence, as we can see, transforms the shape, materializes it, because with him the father “God” becomes a carpenter, the holy spirit becomes a mother and the son of God becomes a whimsical girl.

Another ternary biblical myth also unfolds here as a symbol of the human fate : that of Adam, Eve and the forbidden fruit. The three actors who, for ever, are going to transform the fate of the world. As a metaphor of the Eden garden in which Beloved would be the forbidden fruit whereas Sethe in deserving Eve invites her to poison her consciousness. The own name of Sethe is taken from the Genesis. Seth is there, the son of the fathers of human being. The third child of Adam and Eve, he is the gift made by God to Eve to replace her sacrificial child Abel. This patriarch's trilogy confirms this triple time dear to Morrison. Finally, the trinity re-appears during the exorcism, it is indeed thirty women who free Sethe and who exorcise Beloved.

Toni Morrison makes crossed the sacred by the senses or more exactly, as every religion evokes it, by the material. The material being the vehicle allowing the access to the spiritual. At first the sight, in the chapter six, Beloved examines minutely Sethe and questions her about diamond, objects that she saw sparkling while she was still an infant. This vision makes the past reappear and open the mystic breach of return after the death. The link broken by the death between mother and daughter is passed on as well by the sight, indeed, the only time Sethe saw her mother, she was hung. As the strange fruit sung later by Billy Holliday in homage to the blacks persecuted then. This “strange fruit” reminds us this famous forbidden fruit previously quoted, symbolizing the cost of Freedom. Sethe has a tree of stigma on the back which evokes the lashes which received the Christ during the Passion. A parallel, between the wandering of the Black people from immemorial time, their persecutions and those to the Jews at the dawn of the Christian era, becomes then obvious. The shadows and the reflections as the metaphor of the darkness and the light also play a dominating place in Toni Morrison's work. Indeed the embodiment of Beloved has neither reflection nor shadow, she is immaterial.

The Afro-American literature draws its inspiration from the oral forms of expression as the Negro spiritual, the sermons, the gospel, the blues or more recently in the rap. The hearing is still one of the senses used by Morrison as a channel. Denver is deaf at the beginning of the novel, she answers with a hysteric symptom : she refuses to make work the part of her body by she was hurt. She will find the hearing thanks to the noises of the ghost baby. So it is the songs of Beloved that make realize to Sethe that she is the reincarnation, the resurrection of her daughter. The voice of Beloved is strange, incantatory, as coming from beyond. On the contrary the ceaseless songs of Paul D annoy Beloved and Denver. We can underline here the fact that every action or fight always follow this rule of trinity quoted higher. The style of Morrison very often based on flashback which obliges to think, which obliges to re-read everything is a literary process which plunges the reader into the sound context, the emotional context of the author from the heart of the writing. This rhythm, this negro-spiritual music, this jazz of the 1920's (in Jazz) confer a syncronic musicality to the work. Those who know the jazz know that there is an accord of sixth, totally dissonant listened from outside its melodic text, but so sublime for the harmonious connections. Toni Morrison uses this dissonant accord essential to the music. Dear to Toni Morrison, the music is everywhere in her work, so, in Song of Solomon she has written: "Macon gave way to the music and still approached. He did not want either to speak or to spy, only to listen and see them, all three, the source of this music which reminded him the fields, the wild turkeys ...”, of course music is the main character in Jazz ...

The touch and particularly the water are too main channels to reach the sacred. Through Beloved, Toni Morrison exploits, besides numerous myths, the symbolism of the water. This water returns constantly, flowing into the river which lines the house, becoming grave for the children of Sethe's mother, or still liberator for Paul D when he was in jail. Water is symbol of life (by waters of the stomach of the mother, by milk, by its nourishing contributions) and of death (by its lack of oxygen, by the fact that excrements become liquid during the disease). It is by Beloved that the water appeared. Indeed, she emerges at first from waters, as a blessed child ; at the vision of Beloved, Sethe is taken by such an urge to urinate, so uncontrollable that she does not even reach toilets as if she lost waters. And then Beloved is thirst, an unchanging thirst, probably, the spiritual spirit that she is feels the thirst that feels the slaves working in fields... Numerous religions use the water both in the baptismal rites and in the funeral rites, so Morrison still sets the life against the death. Feet, tools which touches the ground, symbol of the most complete materiality, the feet which serve to walk, to run, to move, to be free appear either bruise either pure, another ambivalence, from death to life. Saint John Baptist would have washed foot of Jesus to baptise him, it is what makes the young white for Sethe then in a bad state and on the point to deliver. When Beloved arises, she has foot strangely clean and healthy as if she was a pure spirit. There is also this story of feet soiled by the camomile, undoubtedly they need otherwise a baptism at least a purifying water. Loyal to her ternary rhythm Toni Morrison runs only three of the five senses, the taste and the sense of smell appear only little.

The sacrifice of Beloved is at the same time saving and avenging. In the mind of Sethe her daughter will escape the slavery but the soul remains and will haunt for ever Sethe and the 124. Still we find the ambivalence dear to Morrison : is the sacrifice a crime or a holy act ? Does Sethe save Beloved or does she condemn her ? The act of Sethe can be likened, at the same time, to a voodoo act and to a christian act, so explains it Omi Gasner Joint in his book Liberation of the voodoo in the dynamics of inculturation in Haiti : “The idea of the sacrifice peculiar to the voodoo suggest well an effective presence of the Christ. Because if we assert in mind the letter to Hebrew , all sacrifices are achieved in the Christ, the universal priest, it is necessary to include the sacrifices voodoos there.” Sethe appears as a Pietà, that is to say as Mary crying her sacrificial child. It is nevertheless her, who wears stigmas while she was not the object but the tool of the sacrifice. Then appears the ambivalence, Sethe marked by the slavery saves her child of a cruel fate and the death is the only salvation that she perceives. So her name quoted above, is not insignificant, the first crime of the humanity being, according to the Bible, that of Abel and Caïn. Abel represents then the persecuted just man, and a figure of the Christ, following the example of Beloved. But Morrison voluntary chose not to name Sethe by the name of Caïn, she is on the contrary a child of God. She embodies the mercy of the Lord in front of the madness of the slave trader. She indeed says to have a tree in the back. Besides the stigmas of the Christ, this tree symbolizes the family tree marked with branding iron, as if the fatalist fate of the slaves required an anchor point. She could be likened to Ponce Pilate, the one who condemned Jesus but her story is different ; and Morrison does not want to place her in executioner, but creates by Sethe a much more complex character influenced by a martyr genealogy. She belongs to those who are persecuted as the Jews at that time and while the Christ is filled by magic, Beloved, the baby, is only a simple mortal, and Mary is virgin whereas Sethe knew the rape and the stain. Her sacrifice is not universal but rather ideological and emotional. For the Christendom, the sacrifice of the material body of the Christ would have washed the world from its sin. For Sethe, to sacrifice her child is a spontaneous reaction to the adversity, undoubtedly a voodoo sacrifice inspired by the memory of her people and a way to bring down the slavery and to get back a certain dignity. When Beloved reappears it is like the embodiment of the ambivalence being holy and demonic at the same time. Beloved is like the fallen archangel Lucifer, “the carrier of light”. She appears decay, insect, drought as devoured by the Devil. The Book of Ezekiel makes a reference to a fallen angel, “a protective cherub” : “I had settled you, and you were there, from the holy mountain of God (…) and that until we find injustice inside you.” This is easily applicable to Sethe who gave birth, "settled" a child in the world, but the inequitable context dedicates this child to the slavery so she killed. Nevertheless Beloved resuscitates following the example of the Christ, her spirit becomes again flesh and the protagonists strangely seem as bewitched by Beloved. The "sacred" and the impure oppose the hope and the fear. The spirit at first wandering of Beloved then embodied appears as the consciousness, the purgatory of Sethe.

Toni Morrison is, this day, the eighth woman, the first Black and the only Afro-American author to have received the Nobel Prize in Literature. She so settles down as the voice of a people for too long persecuted, as the witness of History. Following the steps of Phillis Wheatley, the first afro-American author or Rosa Park Who, by Martin Luther King side, fought against the racial segregation, or still Maya Angelou that she had honored during the national book award ; she tells the story of a people in what it has of most intimate, its faith. Her talent and her sincerity offers a honorable revenge to all of Afro-Americans. She portrays the sacred in her work through traditional Christian rituals, sermons, and symbols; through African-influenced themes and characters; and through what Morrison called “just strange stuff.” One of her old friend Carrasco has told about her : “ Morrison develops the notion of the importance and power of magical flight as a way to help the characters deal with “profound racial suffering.” Morrison has revised biblical scripture as a way to criticize American history and rewritten non-biblical sources to envision a future in which patriarchy, racism, and colonialism are eradicated through the revival of suppressed cultural myths. Relying upon the authority of her gnostic work, Morrison labors to create new myths that could provide the foundation for social change. And I shall end by these Toni Morrison's word in Love : “Nowadays, we judge the strange silence and those of my race, for the greater part, forgot how much can be beautiful the fact of meaning a lot by saying little.”

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5 avril 2015 7 05 /04 /avril /2015 10:42

 

 

Pourquoi la culture « légitime » prend-elle quasi toujours sa source dans les mouvements marginaux et alternatifs ?

 

&

Pourquoi toute contre-culture est un jour amenée à entrer au cénacle de l'intelligentsia ?

 

 

 

 

Table des matières

 

Introduction

 

I - La temporalité est un quotient constitutif de la notion de contre-culture

a- histoire et naissance de la culture par l'innovation

b- La culture dominante actuelle

c- un rejet de la génération précédente

 

 

II - La vocation contestataire de la contre-culture

a- un engagement politique

b- une rébellion sociale

c- un besoin de choquer pour être entendu et pour créer la polémique ?

 

 

III - Le ratio culture et argent en terme de représentations

a – Un public plus consensuel qui aime à s'encanailler

b – Contre l'académisme

 

 

IV - Contre-culture et média de masse

b- Contre-culture et publicité

c- Contre-culture et Internet

 

 

V – Mode de vie alternatif : une contre-culture par essence

a- contre-culture et culture underground

b- les choix de vie nomades

 

 

 

Conclusion

 

Bibliographie

 

Bansky

Introduction

 

La contre-culture désigne un ensemble de manifestation culturelles, d'attitudes, de valeurs, de normes utilisé par un groupe, qui s'oppose à la culture dominante ou la rejette. Le terme a été créé en 1969 par le sociologue Theodore Roszak1. Il s'applique à un phénomène structuré, visible, significatif et persistant dans le temps.

Toute contre-culture a besoin d'un ordre établi pour naître. La sémantique du mot-valise portant d'abord l'idée d'un rejet par le mot contre, comme dans contre-courant, indique la notion d'opposition à des valeurs établies. Paradoxalement, la contre-culture s'appuie sur la culture dominante pour exister ; mais elle fait acte de résistance par rapport à l'institution. Une contre culture est par essence novatrice, pas forcément underground2, elle peut l'être, elle s'oppose toujours à la culture institutionnelle et défend souvent (mais pas toujours) une idéologie, une éthique. Elle fait table rase du passé, de la tradition, car la culture est fondée sur le passé qui est haï au nom de sa dimension socialement inégalitaire et de son académisme. Néanmoins toute contre-culture semble amenée à devenir légitime comme si elle était un laboratoire de création, comme si un refus houleux au préalable était nécessaire à son acceptation, à son « ordination artistique », à son entrée dans le monde des arts agréés. Cet exposé tâchera de démontrer combien la temporalité est un quotient constitutif de cette notion de contre-culture puis, il s'intéressera à sa vocation contestataire, il analysera le ratio culture et argent en terme de représentations puis il questionnera le lien existant entre contre-culture et média de masse et enfin il tentera d'expliquer comment le choix d'un mode vie contre-culturel peut être source d'inspiration pour une société plurielle. Tout cela afin d'expliquer pourquoi la culture « légitime » prend souvent sa source dans les mouvements marginaux et alternatifs et pourquoi toute contre-culture est un jour amenée à entrer au cénacle de l'intelligentsia.

 

I- La contre-culture tributaire du temps

 

a - Histoire et naissance de la culture par l'innovation

 

Un paramètre temporel est inhérent à la définition de la contre-culture étant donné qu'elle n'existe que par opposition à une culture existante et rejetée. Les hommes-artistes du paléolithique par exemple, bien que novateurs, ne pouvaient se réclamer d'aucune contre-culture n'ayant aucune référence. Ainsi que Denys Riout le démontre : « Des peintures préhistoriques aux tableaux fauves ou aux constructions cubistes, toutes les œuvres d'art de quelque importance demeuraient, d'une manière ou d'une autre, assujetties aux apparences du monde visible. »3 Ce facteur temps entre donc en jeu, compte tenu de la quantité de la production artistique ( ex : mouvements, écoles...), du nombre d'artistes pratiquant un art donné ( ex : peintres médiévaux illustrant la Bible ), du pouvoir en place ainsi que des moyens utilisés pour produire une œuvre. L'écrit et son évolution illustrent parfaitement ce point, d'abord sur pierre puis bois et enfin sur papier, l'écriture était originellement réservée aux seuls lettrés, autrement dit : les moines. Les scribes du Moyen-Âge ne recopient d'abord que des textes religieux puis transcrivent les philosophes, aucune contre-culture n'était possible alors, on copie des textes existants et ce avec le plus grand respect de l'original, la seule fantaisie étant l'enluminure répondant à des codes bien définis. La contre-culture ne pouvait naître qu'avec des antagonismes. L'imprimerie qui permis la diffusion d'un florilège d'écrits, ouvrit la concurrence : ainsi peut-on s'opposer à telle idée, tel auteur, inventer un style, un concept... Des contre-cultures médiévales peuvent néanmoins être citées, je songe ici au catharisme, à l'alchimie ou encore à toute secte religieuse n'appartenant pas à la religion d'État alors en vigueur.

« Le récit chronologique qui respecte l'effervescence des aventures créatives singulière confinerait rapidement au pointillisme d'une succession d'innovation où les lignes de force d'une époque se diluent dans la prolifération chaotique des propositions et des réactions. »4 Il est néanmoins nécessaire d'inscrire cet exposé dans le temps, puisque que la temporalité est un paramètre constitutif de la contre-culture. L'innovation, résultant d'un « processus d'influence qui conduit au changement social et dont l'effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles »5, est inévitablement contestée en son temps. Le très controversé ready-made : Fontain de Marcel Duchamp illustre très bien ce propos puisqu'il invente l'art conceptuel. D'abord considéré comme un opportuniste, Duchamp est aujourd'hui perçu comme le précurseur et l'annonciateur de certains aspects les plus radicaux de l’évolution de l'art depuis 1945 dont les multiples formes d'art contemporain.

 

b- La culture dominante actuelle

 

Cependant comme l'affirment Adorno & Horckeimer dans Dialectique de la raison : « Quiconque résiste a le droit de survivre à condition de s'intégrer. Une fois que ce qui constitue sa différence a été enregistré par l'industrie culturelle, il fait déjà partie d'elle. ». En somme dès qu'une innovation est acceptée et validée par la main stream, elle perd son caractère contre-culturel. La culture dominante, à savoir « la culture du groupe qui détient la réalité du pouvoir, et ceci dans quelque type que ce soit de formation économique et sociale consiste en un ensemble de biens matériels et symboliques dont ce groupe tente de se réserver la jouissance, par l'instauration d'un corps de règles et de codes, d'attitudes et de comportements dont seule la connaissance permet de maîtriser l'usage. »6 Bien qu'aujourd'hui plurielle et éclectique, grâce notamment à la révolution numérique ou à une certaine « démocratisation » de la culture, la culture dominante est un concept persistant. Hérité de Bourdieu, ce concept désigne la culture cultivée, la culture légitimée par les classes sociales supérieures, par les détenteurs d'un fort capital culturel. Cette notion qualifie une réalité sociale. À l'évidence, il y a plus de légitimité à visiter une exposition d'art contemporain qu'à regarder un western à la télévision. Mais le concept de légitimité culturelle pose certain problèmes théoriques. Parler d'une culture légitime unique, c'est laisser penser que les classes culturelles dominantes ont des pratiques unifiées, similaires. Or, il se peut que les jugements d'une personne appartenant à cette classe ne valident pas l’intégralité de la culture légitime. Par exemple un historien pourra plébisciter les arts Renaissants quand il ne s'intéressera aucunement à l'art moderne ou contemporain. La légitimité elle-même semble un concept bien flou. Qui peut valider la hiérarchie des pratiques culturelles ? En matière culturelle, il n'existe pas d'institution susceptible de hiérarchiser les genres ou les styles, comme le fait l'école en matière de diplômes. Ce concept est caricatural des relations entre classes sociales, puisqu'il présuppose que les classes dominantes cherchent à imposer aux classes « dominées » leur modèle culturel. Dans la mesure où la culture distingue les individus les uns des autres, chacun tente de se construire sa propre culture et d'innover en terme de collectage d'informations, la télévision est l'exemple type du rejet d'un médium ; autrefois populaire, elle est aujourd'hui considérée comme populiste et n'est plus en vogue. Trop facile d’accès et délivrant des informations à un trop large public, elle ne sert plus à se différencier de l'autre et n'est plus considérée comme un outil culturel. La culture dominante actuelle est pourtant largement diffusée par les médias de masse, mais l'homme cultivé contemporain fréquentera les lieux culturels, lira la presse spécialisée ou écoutera France Inter ou France culture, il ne se satisfera pas d'une simple consommation, mais tâchera de glaner ci et là des informations plus confidentielles afin de se distinguer de la masse.

 

c- Un rejet de la génération précédente

 

Ce n'est qu'après les révolutions industrielles (au XIXe siècle) qu'est née la notion de contre-culture. La mécanisation d'alors impose un exode rural vers les cités en construction, c'est le début de l'ère moderne ; bon nombre d'artistes prennent le contre-pied et se tournent vers la nature, _leur nature, c'est le triomphe des sentiments sur la pensée et le retour à une nature vierge de toute civilisation. Par opposition au néo-classicisme, le mouvement Romantique voit le jour. Hugo, Delacroix, Baudelaire ou les préraphaélites victoriens prônent un rejet de l'industrialisation, un retour aux travaux manuels et aux matériaux bruts. Visionnaires, ils comprennent la direction individualiste et consumériste que prend le monde. À travers le drame romantique, ils luttent contre la corruption de la société, contre le mensonge, le faux-semblant, et mettent en évidence le caractère cruel et solitaire d’une société pervertie. Aujourd'hui, récupéré par les adolescents en quête d'identité, par nombre de rockers ou partiellement par le mouvement hippie des sixties, ce courant de pensée et de création est incontournable et reflète bien souvent d'une rébellion dans la société contemporaine.

Durant le même siècle, en peinture, naît le salon des refusés sous l'initiative de Gustave Courbet. « Le jury du Salon ayant refusé son agrément à 3 000 tableaux sur les 5 000 proposés, 1600 sont aussitôt présentés au Salon des Refusés, mais 1 400 restent confinés au secret de l’atelier, leurs auteurs ne souhaitant pas s’attirer les foudres d’une clientèle traditionnellement imperméable aux impertinences ! Ce tout nouveau salon est d’emblée l’objet de cruelles railleries dans la presse, qui ne se prive pas de dénoncer son effet de mode : pour nombre de bourgeois éclairés, aller “ aux Refusés ” est du dernier chic, les peintres du lieu étant assimilés à de véritables phénomènes de foire.»7 Tout le paradoxe de la contre-culture est là, à la fois récriée et adorée, elle fait l'objet de convoitise et de violents rejets dans le même temps. Au sujet du Déjeuner sur l’herbe de Manet, source d’un scandale éclatant, le critique du Figaro, Charles Monselet, n’hésite pas à écrire, le 24 mai 1863 : “Il a déjà conquis la répulsion du bourgeois : c’est un grand pas”. Le succès tardif de Manet et plus généralement des impressionnistes a pourtant constitué cette idée que : « Les premiers seront les derniers. »8 Si le jugement de l'avenir entérine celui de petits groupes, insultés en leur temps, l'art et l'avant-garde ne font qu'un. Progressivement s'impose l'idée que, pour devenir un classique, il faut avoir été d'avant-garde soit contre-culturel. Le film Minuit à Paris de Woody Allen illustre très bien ce propos en plaçant ses personnages dans une quête d'un âge d'or qui chaque fois se révèle être le mouvement précédent (pour les années folles, l'âge d'or se trouve à la Belle époque et pour les acteurs de la Belle époque, l'âge d'or se situe à la Renaissance).

 

II- La vocation contestataire de la contre-culture

 

a – Un engagement politique

 

Une des variables fondamentales à l'idée de contre-culture est assurément sa dimension contestataire. D'abord, elle s'inscrit comme le contre-courant d'une époque par la nouveauté qu'elle insuffle, puis elle résiste bien souvent au régime politique en place, enfin elle se concrétise en marge de la société. La contre-culture exprime toujours un malaise de « fin de siècle », un désenchantement par rapport au monde contemporain. L'art dit subversif découle de cette résistance.

Les écrivains du XIXe siècle écrivent pour le peuple et nombreux s'engagent avec le peuple dans une lutte sociale. La parole poétique devient parole du peuple : Victor Hugo parle par exemple pour la grand-mère dont le petit-fils a été tué (Souvenir de la Nuit du 4). Il dénonce le coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte dans Les Châtiments et influence la Commune par ce biais. Il sera d'ailleurs battu aux élections législatives de 1872, les électeurs lui reprochant son indulgence envers les Communards. Avec son J'accuse, Émile Zola, pourtant écrivain reconnu, s’élève contre l'ordre établi en intervenant dans l'affaire Dreyfus d'une façon fracassante. Il met en place un modèle de relations entre l'écrivain et le pouvoir, entre le littéraire et le politique à l'encontre de ses propres intérêts, et de ses confrères écrivains, Maupassant, Huysmans ou Daudet alors tous touchés par l'anti-sémitisme ambiant. Il sera condamné à un an de prison ferme pour diffamation et à une amende conséquente. Ces écrivains établis chez les intellectuels voient se renverser la tendance (de « culturels » ils deviennent « contre-culturels » par l'engagement) en portant la voix du peuple et en allant à l'encontre du pouvoir en place. La maison d'édition L'Esprit Frappeur, créée en 1997 et toujours existante qui publie toujours des textes politiques et subversifs, a été victime, en 2005, d'une vague d'intimidation policière exercée en librairie prenant pour prétexte une circulaire ministérielle sur les livres parlant de drogues. Cette collection qui a beaucoup compté pour qui avait vingt ans en l'an 2000, est aujourd'hui plutôt en veilleuse, et ne rencontre plus le même succès auprès de la jeunesse. Assiste-t-on à l’émergence d'une société lisse et sans éthique ? Ou bien simplement à une société apeurée par une police de plus en plus sévère ?

Dans la seconde moitié du XXe siècle, le mouvement hippie conteste la domination culturelle de la bourgeoisie et s'allie à l'extrême gauche et au maoïsme. Il ébauche notamment la longue lutte pour le droit à l'avortement, une révolution sexuelle et sociale. Le 5 avril 1971, 343 femmes réclament le droit à l’avortement dans le Nouvel Observateur : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France… Je déclare que je suis l’une d’elles », écrivent Simone de Beauvoir, Françoise Sagan ou Jeanne moreau et bien d’autres que Charlie Hebdo rebaptisera les

« 343 salopes ». Le manifeste accélère le combat pour les droits des femmes, dans la rue mais aussi devant la justice. D'abord scandaleuse, cette lutte a mené à un droit aujourd'hui fondamental.

Dans la fin des seventies, le mouvement punk et son credo « No Future » déferle sur l'Europe. Anarchistes, les groupes de punk rock s'opposent à la lourdeur qu'ils jugent excessive et à l'institutionnalisation du rock populaire des années précédentes, leur génération désenchantée est celle du sida, de la crise économique, du début de l'ère électronique. Ils créent une musique rapide et rude, généralement servie par des chansons de courte durée, une instrumentation simplifiée et des paroles souvent chargées de messages politiques ou nihilistes. Le mouvement punk exprime une rébellion jeune et est caractérisé par des styles vestimentaires distinctifs, une variété d'idéologies anti-autoritaires et une attitude « do it yourself » reprise aux hippies qu'ils méprisent.

Aujourd'hui, l'art contestataire s'exprime sous de multiples formes, l'art urbain qui se réapproprie l'espace publique en est un exemple type. Je songe ici au graffeur Bansky, anti-militariste, anti-capitaliste et plus globalement anti-système qui a notamment fondé le projet

« Santa's Ghetto » en réalisant des peintures sur le mur de séparation de Bethléem et aux abords du camp d'Aida9 afin de redonner espoir aux habitants palestiniens. Les Pussy Riot, chanteuses punk rock russes se sont engagées en dénonçant le rôle de l’Église orthodoxe en Russie ainsi que la réélection de Vladimir Poutine au pouvoir et ont écumé de deux ans de prison ferme. L'engagement politique des artistes bien que de plus en plus réprimé n'est pas près de disparaître puisque l'art est l'expression même des émotions humaines.

 

b – Une rébellion sociale

 

La rébellion sociale est bien souvent caractérisée par des identités vestimentaires distinctives qui dérangent, choquent ou questionnent. Les artistes bohèmes des années folles vêtus de guenilles « dandyesques », expérimentaient un nouveau mode de vie en vivant dans des communautés artistiques, s'essayant à toutes formes d'ivresse, en écoutant du Jazz, en créant un art nouveau : cubisme, surréalisme, futurisme, fauvisme ou dadaïsme... La bourgeoisie d'alors voyait en eux une « dégénérescence » et non l'avant-garde. Il en est de même pour Baudelaire et de ses cheveux verts, « parce que la plupart des grands poètes français ne sortent pas du peuple ». Intellectuels, ils sont souvent plus ou moins en rupture de ban de la bourgeoisie, grande ou petite. Et pourtant... Par leur activité même qui consiste à formuler, ils donnent forme à des sentiments présents dans la société. Et même si leur œuvre est en général de diffusion restreinte, elle agit sur la sensibilité collective par les voies délicates mais efficaces d’une sorte de capillarité des idées et des sentiments.

À la sortie de la belle époque et de la guerre des tranchées, Coco Chanel révolutionne la mode écourtant les jupes et offrant par ce biais une aisance de mouvement à la femme, elle participe à une ébauche de parité et fait ainsi acte d'un certain féminisme. On la trouve d'abord excentrique et elle choque, pourtant en allant à contre-courant elle participe à une métamorphose sociétale et bouleverse les codes.

Plus tard, aux États-Unis, la Beat generation s'est inscrite comme un laboratoire de la culture et de la contre culture. Allan Ginsberg, William Burrough, Jack Kerouac ou Joan Baez ont tenté d'ouvrir la brèche à un nouveau modèle de société. Ces Clochards célestes10 ont été les précurseurs de la libération sexuelle et du mode de vie de la jeunesse des sixties ; très en avance sur leur temps, les beatniks récriaient le nucléaire alors à la mode, affichaient leur homosexualité dans une Amérique très puritaine ou s’expérimentaient à une spiritualité orientaliste.

Face au développement rapide du confort domestique (cf : la complainte du progrès - 1956 par Boris Vian) et par extension du consumérisme et des médias de masse, la contre-culture crée la Free Press et les médias alternatifs. Constatant l’industrialisation galopante, elle propose des expériences communautaires (retour à la nature, création spontanée...) ; s’opposant à la Guerre du Vietnam, elle promeut le mouvement pacifiste ; rompant avec la tradition et la morale petit-bourgeois, elle prône la libération sexuelle et l’usage de drogues ; dénonçant les privilèges accordés à la majorité blanche, elle cherche à mettre en valeur les minorités (Black Panther Party, « Chicanos », Amérindiens, mouvements homosexuels) ; se détournant du christianisme, elle s’intéresse à la spiritualité orientale ; enfin, luttant contre la technocratie, elle préconise la création, les happenings et l’improvisation. Jadis condamné comme « musique du diable », notamment parce qu'elle est jouée par des noirs encore ségrégué, le jazz a atteint à la fin des années 1950 le sommet de sa légitimité culturelle : il est promu dans le monde entier comme « la forme d’art américaine », enseigné dans des milliers de lycées et d’universités, tandis qu’une nouvelle génération d’intellectuels a inventé la critique de jazz.

En marge mais en nombre, les hippies ont grandement contribué à transformer la société occidentale, la libération sexuelle, une recherche spirituelle singulière, l'acceptation des minorités, le droit à la différence... sont autant d'éléments qui ont construit la société contemporaine. La musique rock de ces années d'abord perçue comme une musique « de sauvage » figure comme le symbole de cette époque et Janis Joplin, Jim Morrison ou Jimmy Hendrix, les idoles de cette époque sont aujourd'hui des classiques dans les discothèques individuelles. On dit d'eux qu'ils ont été les pionniers du rock.

Nous pouvons considérer que ce sont aujourd'hui les nomades, travellers, teufeurs ou autres amateurs de musique techno, qui par leur modes de vie alternatifs, leurs piercings et tatouages témoignent de la rébellion sociale. Par un choix de vie hors des normes et l'assomption d'un look et d'une pensée libre, ils proposent un mode de vie allant à contre-courant dont les villages de fortune ayant émergé un peu partout en France avant le décret de la loi LOPPSI11 fut le témoignage éloquent. À quand l'acceptation de ces modes de vie alternatifs par la culture dominante ?

 

c- un besoin de choquer pour être entendu et pour créer la polémique ?

 

« Un tableau qui ne choque pas n'en vaut pas la peine. » Marcel Duchamp


Il n'est pas question ici de juger si une œuvre est Art ou non, mais bien d'expliquer comment la polémique agit sur une œuvre dans son acceptation ou son rejet. Les Demoiselles d'Avignon de Picasso, L.O.V.E12 de l'artiste italien Maurizio Cattelan ou L’origine du monde de Courbet ont choqué et ce pour des raisons différentes, l'une par l'innovation cubiste, la seconde par son caractère anti-capitaliste et la dernière par son aspect pornographique. Est-ce parce qu'une œuvre choque qu'elle est avant-gardiste ou contre-culturelle ? Les Deux Tahitiennes de Gauguin, a-priori non subversives en leur temps et encore moins aujourd'hui, ont pourtant, été attaquée en avril 2011 par une visiteuse de la National Gallery of Art de Washington parce qu'elle mettait en scène, explique la vandale, nudité et homosexualité. Comme je l'ai déjà démontré plus haut, l'innovation choque et le simple fait d'oser indigne. La Fontaine de Marcel Duchamp n'a, en soi, rien de choquant, c'est le fait d'affirmer que cet urinoir est art qui a heurté le public. Plus récemment, l’œuvre de McCarthy installée sur la place Vendôme, Tree, associée à un sex-toy ou à un sapin, a été vandalisée. S'agit-il d'un rejet de l'art pour l'art ou bien un profond malaise de voir ainsi la sexualité impudiquement exposée qui a amené ses détracteurs à l’abîmer ? De vives réactions de néophytes affirmant que « ça n'est pas de l'art et que les impôts seraient mieux utilisés ailleurs » ont été publiées sur le web. McCarthy a-t-il voulu choquer ? Et par extension faire grossir sa célébrité ? Pourtant les impressionnistes, représentant des scènes plutôt naturelles et sensibles n'ont pas cherché à créer la polémique, ils l'ont subie et se sont affichés aux Refusés.

L'identité vestimentaire des punks, cheveux dressés en crête iroquoise, colliers de chien ou collants filés a été étudiée pour déranger et donc choquer. Leur look a été la vitrine de leur pensée nihiliste. Leur musique punk rock chargée de distorsions et de texte coléreux a été innovante, subversive et choquante dans le même temps.

Tous les objets choquant ne sont pas nécessairement contre-culturels mais la contre-culture, elle, choque quasi à chaque fois puisqu'elle est toujours rejetée en son temps.

 

III - Le ratio culture e argent en terme de représentation

 

a – Un public plus consensuel qui aime a s'encanailler

 

Y a-t-il un rapport financier entre l'acte de création par des « bohèmes », les lieux de créations (type squat, garage... bateau lavoir ou Ruche) et la représentation que s'en fait le public : potentiels amateurs et collectionneurs ? Nous l'avons vu plus haut au sujet du Salon des refusés « pour nombre de bourgeois éclairés, aller « aux Refusés » était du dernier chic, les peintres du lieu étant assimilés à de véritables phénomènes de foire. » Il en est de même aujourd'hui, on se distingue en favorisant l'avant-garde, en « mécénant » l'artiste polémique.

Le contexte de création et le style de vie des artistes jouent un rôle dans l'acceptation d'un art. L'art moderne par exemple est né au bateau-lavoir, sur la colline de Montmartre encore bourgade pauvre et indépendante de Paris, puis à la Ruche, atelier de Montparnasse qui ne bénéficiait pas encore de son aura. On crée alors chez les miséreux et on paie son ardoise avec une toile ou un croquis. Ces deux quartiers, dont les loyers ont flambé, sont aujourd'hui habités par une classe aisée et amatrice d'art. De nos jours on choisira le squat (qui d’ailleurs s'engage en politique par la revendication de droit au logement) comme lieu de création, Les Frigos parisiens, MixArt Myrys ou le 59 Rivoli aujourd'hui institutionnalisés l'illustrent parfaitement. Les friches industrielles, les terrains vagues ou les immeubles abandonnés sont bien souvent récupérés par des artistes en quête d'espace. (cf : loi LOPPSI)

Prenons par exemple le Street-art et plus précisément le graffiti qui contrairement aux dessins d'enfants, valorisés, (cf : l'art naïf et Dubuffet) les dessins tracés sans autorisation dans l'espace public font l'objet d'une réprobation sociale non dénuée de fondement (transformation de l'espace public sans autorisation : les impôts de la société bien-pensante servent à autre chose) et que la loi enregistre : elle les interdit. Leur pittoresque, ou, plus encore, leur charge subversive, intéresse pourtant des artistes depuis longtemps. Au XIXe siècle Rodophe Töpfer « oppose l'expressivité naturelle des «petits bonshommes» graffités sans souci artistique à la fade fidélité d'une représentation gouvernée par des codes appris. »13 Redondant, le graffiti confirme le caractère populaire du lieu et manifeste une volonté de rupture avec l'ordre établi, avec les conventions sociales dominantes. Pourtant le Street-art se positionne entre culture underground et mondanité : comme toutes les contre-cultures, le graffiti intéresse rapidement le monde de l'art qui l'expose en galerie ... Évoquons, de nouveau ici, le graffeur Bansky, hier contre-culturel et aujourd'hui exposé en galerie ; les célébrités Christina Aguilera et Kate Moss possèdent même des œuvres de l'artiste, ce qui inévitablement impose Bansky dans la culture dominante.

La culture, bien qu'aujourd'hui « démocratisée », est d'abord un attribut des classes aisées et subit un rejet pendant le processus de création. Les artistes ne correspondent pas aux codes de la dite « bonne société », les lieux de créations et d'exposition underground perturbent le quotidien de cette société qui pourtant se plaît à aller à un vernissage dans une galerie où là encore c'est cette société qui décide si l’œuvre est digne ou non d'entrer au panthéon des arts (voir le documentaire squat skwat). Le fait que la culture soit devenue éclectique dérange, on ne peut plus se distinguer aussi aisément qu'autrefois. Bourdieu illustre ce propos par sa théorie de l'habitus selon laquelle l'homme ne fait que reproduire son milieu social. Cette théorie est démentie aujourd'hui par la révolution numérique, une certaine homogénéisation des classes et une facilité d’accès à la culture.

 

c – Contre l'académisme

 

L'académie ou l'école des beaux arts ou toute autre école d'art forment l'artiste à la technique, mais également à trouver son essence propre, sa personnalité. Une fois sorti de l'école, l'artiste tentera de se dé-formater. Le peintre Basquiat, initiateur de « l'art ignare » comme il se plaisait à nommer son travail, est un parfait exemple d'artiste sans formation et nihiliste. Il vivait à la manière de Diogène d’Ésope dans la rue, s'abritant de carton et a révolutionné l'histoire de l'art par ce rejet total d'académisme et un processus de création spontané. L'idée qu'il n'existe aucune voie obligée pour devenir artiste s'installe comme un droit. Ainsi Tandoori Yokoo, qui peint à Tokyo des variations ironiques à partir des toiles du Douanier Rousseau, qu'il connaît par cœur, et Antonio de Dede, qui sculpte à Lagos da Canoa (Brésil) des animaux dans des branches d'arbre, sans connaître l'histoire de la sculpture moderne. Pourtant bien qu'anti académique et désireux de se présenter comme autodidactes, ces artistes acceptent la labellisation, ou l'exposition dans des lieux institutionnels. Les Sex Pistols, punk-rockers dans l'âme se sont fait labellisés et continuaient à faire leur musique sans trop de concession. Les Pink Floyds avec leur long morceau de 6 minutes another brick in the wall dénoncent le système scolaire visant, selon eux, à formater des esprits uniques et sans véritable libre-arbitre.
 

IV - Contre-culture et média de masse

 

a- Contre-culture et publicité

 

La seule manière pour la contre-culture de ne pas être récupérée par l'économie marchande serait de rester cachée et donc ignorée. Alors quand la pub récupère la contre-culture, n'est-elle pas déjà morte ?

Comme nous l'avons vu précédemment, les contre-cultures ont originellement un rôle d’innovation culturelle et de subversion. La contre-culture actuelle, portée par le mouvement hipster, agit pourtant à l'inverse de sa vocation initiale. Cette classe de la population, à laquelle tout le monde se défend d’appartenir, joue les contre-cultures en adoptant néanmoins tous les codes du mainstream. En inondant le marché de produits inutiles mais tellement consommés, ils ont gommé toutes les frontières culturelles en nous plongeant dans un flou mercatique. Certes, quelques artistes brillants avaient participé à l’artification de produits standardisés : de l’urinoir Fontain de Duchamp aux boîtes de conserve : Campbell's Soup Cans de Warhol en passant par Magritte et sa pipe qui n’en était pas une : La Trahison des images. Mais c’est avec moins de brio et surtout plus de contradictions que les nouveaux fers de lance de l’innovation culturelle deviennent les idiots utiles du capitalisme qu’ils méprisent par ailleurs. La contre-culture aujourd'hui pourrait se définir par quelque chose qui ne fonctionne pas à l'instant T. La récupération de l'underground le témoigne parfaitement. Les visuels subversifs tels que le graffiti apparaissent comme très « vendeurs ». Il répondent à la tendance que les publicistes tentent de définir.

La publicité surfe sur des tendances et tente de créer des constantes. Soumise aux technologies de pointe, les individus n’entretiennent plus le même rapport avec la culture. La culture évolue et se transforme constamment. Hier contre-culture, les mouvements sont récupérés aujourd’hui et transformés en culture dominante. Le marketing publicitaire illustre tout à fait ce phénomène de transmission culturelle des valeurs contestataires. Si la culture n’est pas figée, les mouvements de contre-culture ne le sont pas non plus.

La jeunesse est représentée comme un moment spécifique de la vie : celui de la révolte. Le dernier épisode où elle a joué un rôle subversif actif se situe dans les années 1960 et 70. La contre-culture d'alors a cherché à provoquer la culture de masse en prétendant défier le système lui-même. Aujourd'hui pourtant ses effets se font ressentir dans les magasins où se vendent ces produits identitaires. Les tee-shirts en sont une évocation parfaite, pièce de vêtement signée : Anarchie, où le symbole de l'idéologie la plus contestataire de l'ordre dominant qui soit, devient un logo au même titre que Nike. Le contenant se vide de son contenu. L'importance de la scène contre-culturelle se retrouve dans la projection, dans ce qui différencie d'un autre. D'abord associée aux problèmes sociaux spécifique des banlieues, scandant des textes dénonciateurs et souvent violents, la musique rap a elle aussi connu ces travers de marchandisation. De nombreux rappeurs sont tombés dans une culture bling-bling, et dans les affres de la « peoplolisation », ne se souciant plus de s'engager et enregistrant des disques pour des labels importants.

Selon Roland Barthes, dans ses essais critiques : « plus il y a de consommation moins il y a de conscience ; elle s'oublie dans la marchandise, avant toute chose, l'individu est devenu une pièce quelconque d'une machine qui ne s'arrête jamais, c'est à partir de cela qu'il nous faudrait reconsidérer notre fonction sociale, les apparences sont trompeuses. » Il résume très bien ici la récupération « ignorante » des objets contestataires en marchandise commune. Étant donné qu'un objet contre-culturel est en phase de maturité quand il est affirmé, il est donc simultanément obsolète et n'est donc plus contre-culturel. On porte le keffieh, foulard symbole de la lutte palestinienne, pour avoir l'air rebelle, mais sans connaître le pourquoi de cette rébellion, il en est de même pour le tee-shirt le plus vendu au monde soit celui représentant le visage du guérillero Che Guevara, une publiciste dit même à ce sujet : « Un gosse qui venait d'acheter un tee-shirt du Che, m'a un jour demandé s'il s'agissait de l'acteur Antonio Banderas ! ». Les visages de Gandhi, Marilyn Monroe, Albert Einstein ou Alfred Hitchcock sont connus de tous sans que soit nécessairement connue l’œuvre de leur vie. Plus récemment le « logo » « Je suis Charly » qui a fait suite aux attentats meurtriers contre le journal satirique Charly Hebdo, a été déposé une cinquantaine de fois. On craignait une tentative de récupération politique, c'est bien la société marchande qui a recyclé le « cri scandalisé ».

 

b - Contre-culture, médias de masse et Internet

 

La révolution numérique a infiniment multiplié la diffusion de la culture et par extension la contre-culture, elle a agi comme l'imprimerie en son époque, mais avec infiniment plus de possibilités. La télévision, la radio, Internet sont tout autant de médiums favorisant l'accès à une culture d'antan plus confidentielle. Le magazine télévisuel Tracks diffusé depuis 1997, sur Arte en est une preuve tangible. Consacré à la contre-culture et plus généralement aux formes d'art émergentes, sa rédaction est capable de parler de grands écrivains classiques, d'artistes contemporains ou de stars de la pop, mais aussi d'artistes oubliés ou inconnus mais visionnaires, de tribus urbaines, de sports ou loisirs extrêmes dans la même émission, facilitant ainsi l’accès à cette culture différente au plus grand nombre. L'apparition du financement participatif sur internet contribue aussi à la propagation d'une culture qui aurait pu demeurer underground. Bien sûr, la quantité n'est pas gage de qualité, aussi internet a ses limites, chacun peut aisément publier sur la toile ses créations plus ou moins intéressantes à l'usager, dès lors de distinguer l'opportuniste de l'artiste génial. Myspace est par exemple un site de promotion artistique, où chacun peut exposer son travail et être jugé par le tout-venant.  

Les médias peuvent néanmoins être enfermant, je songe ici à la marchandisation de la culture analysée plus haut. Ces médias tentent bien souvent d'emprisonner une culture allant à contre-courant dans une image qui les arrange (par exemple le mouvement Hip Hop des banlieues). Cet espace révolutionnaire qui promettait de démocratiser les communications et de renverser les dictatures peut être perçu comme un outil de contrôle et de pensée hégémonique. L'information s'en trouve bien souvent unifiée parce que marquée par de grands titres sensationnalistes. Pourtant le « printemps arabe » révolution sociale, a été actée depuis les réseaux sociaux du web. La réappropriation d'un terrain de liberté par des communautés exclues, volontairement ou non, peut être un formidable outil de dialogue et d'affirmation d'identité, à l'inverse du courant dominant. Les happenings, les financements participatifs ou certaines luttes sociales prouvent l'efficacité d'Internet pour aller à contre courant. Idéal pour contourner la censure ou la propagande qui dominent dans les médias traditionnels des pays victimes de gouvernance despotique, Internet peut parfois être apparenté à la TSF servant à la résistance de la seconde guerre mondiale à fomenter des actions contre l'ennemi. Internet sans plus être le moins du monde un outil contre-culturel facilite néanmoins l'accès à ces cultures dites contestataire, avant-gardiste ou émergentes.

 

V – Mode de vie alternatif : une contre-culture par essence

 

a- Contre-culture et culture underground

 

« La culture underground, est l'ensemble de productions culturelles, artistiques à caractère expérimental, situées en marge des courants dominants et diffusées par des circuits indépendants des circuits commerciaux ordinaires. »14 Étymologiquement, ce terme désigne des phénomènes souterrains soit secrets. Les pays en conflit voient se développer une culture underground vivace, tout là-bas, étant à créer, on se bat à coup de mots, de couleurs ou de musique électronique. La Serbie illustre parfaitement ce phénomène multipliant les projets alternatifs sur le territoire dévasté. Avant l'apparition d'Internet, l'underground était un complexe social-culturel, contre-culturel, en opposition à l'industrie culturelle mais en relation dialectique avec elle. Bien souvent contestataire, l'underground est contre-culturel par essence. À l’abri des regards de la « bonne société » filant droit, cette culture confidentielle critique les normes sociales, la morale, les codes inhérents à l’organisation sociale. L'underground utilise des techniques de communication et des réseaux de diffusion alternatifs (fanzines plutôt que grande presse, vente ou échange lors d'événements plutôt que commerce par grande distribution, prône du « do it yourself » et de l'autogestion). Cette exclusion du système courant n'est cependant pas systématiquement délibérée, et l'engagement sociopolitique n'est que facultatif. Les mouvements underground se distinguent d'une part par un éloignement des cultures et des médias de masse, et d'autre part par des valeurs véhiculées souvent considérées comme n'étant pas socialement ou politiquement correctes, voire subversives. Leurs protagonistes tiennent souvent à rester dans l'ombre. Un certain élitisme se développe parfois, chacun voulant rester en compagnie d'autres gens partageant les mêmes passions sans que ces dernières ne soient galvaudées par un effet de mode, dans le but avoué de conserver leur « identité culturelle ». Les mouvements les plus importants punk, techno, mods, skinhead, rasta, gothique, etc., adoptent des codes propres, et ainsi, très paradoxalement, tendent à s'uniformiser. Sujet à de nombreux stéréotypes et poncifs sensationnalistes, ces mouvements culturels souvent extrêmes ou même violents sur certains points (discours radicaux et subversifs, musique bruitiste, imagerie bizarre, gore, etc.), peinent parfois à exister sur le long terme au sein d'une société qui accepte difficilement, et parfois même réprime, cet anticonformisme. D'où cette connotation de révolte et d'insoumission au terme : une résistance face au monopole de la culture uniforme. Les idéaux et principes d'un mouvement underground sont souvent exprimés artistiquement : musique, peinture, littérature, cinéma, performance... l'underground n'est plus dès qu'il devient over-ground mais devient le fer de lance d'une culture à contre-courant qui se voit ensuite récupérée par les médias de masse ou la publicité.

 

b- les choix de vie nomades

 

Nous vivons dans un contexte de mondialisation et de multiplicités culturelles telles qu’il n’y a finalement plus d’antagonisme entre un ordre de marche établi et ses « contrordres ». Il n’y a, dès lors, plus de points d’accroche géographique, ni de « spécificités locales » à la contre-culture : ces mouvements de résistance infinis deviennent transnationaux. En accord avec la tradition historique, la « contre-culture » résiderait donc dans ce panel d’alternatives à l’ultralibéralisme hégémonique : créations, idées, naissances de formes de pensée ou d’actions innovantes... Il y a donc une multitude de bastions de contre-culture, qu’il s’agit de relier à leur point de départ historique : ce rêve d’une « autre » société. Ces choix de vie alternatifs s'accompagnent bien souvent d'une dimension créative notamment par le « do it yourself », la création de collectifs organisant expos, concerts ou poétiques urbaines. Au de-là de l'invention d'un mode de vie singulier, un processus de création artistique se déploie.

Les arts de la rue d'abord subversifs puisqu'ils avaient pour vocation la réappropriation de l'espace public ont aujourd'hui été validés par la main stream et des festivals déployant cette thématique fleurissent un peu partout sur l'hexagone. Les SDF et autres clochards puisent en eux mêmes pour chanter, danser, jongler, déclamer... et tenter ainsi de se faire connaître et de gagner leur pain quotidien. De nombreux musiciens utilisent la rue, le métro, la gare pour diffuser leur musique et signent des disques par la suite, c'est le cas notamment de Keziah Jones. Aujourd'hui la RATP organise même des castings pour « musiciens de métro » .

Les nouveaux travellers diffusant leur musique électronique, et leur visuels colorés et multi-ethnique à travers le monde soulignent tout à fait la double dimension de ce choix de vie à la fois libertaire et créatif. Bien que ces modes de vie alternatifs ne soient récupérés que par une mince partie de la société, ils métamorphosent néanmoins la perception que chacun a de la différence, ouvrent l'esprit d'une société engoncée dans un conformisme déterminé et participent ainsi à l'évolution sociale.

 

Conclusion

 

La société et l'art ont été en perpétuelle corrélation dans cet exposé parce qu'il sont inter-dépendants en termes d'influences, de transformations voire de révolutions. La contre-culture n'alimente pas la main stream mais s’en détache, la maudit et produit ainsi l’anticonformisme. Est-ce l'innovation qui effraie ou bien la forme contestataire que prend cette culture à contre-courant ? À mon sens, la pensée dominante se méfie des deux phénomènes, parce que la contre-culture bouleverse un ordre établi et que l'être humain, encore loin d'être prêt pour une réelle liberté, se conforte dans la pensée dominante rassurante. Le confort mercantile dans lequel s'est installée notre société ne favorise pas l’émergence d'une culture rebelle, on se révolte parfois timidement contre un décret, une loi, une bavure ; la vraie contre-culture ne peut naître que dans l'adversité.

Cette démonstration a bien établi que toute contre culture est un jour amenée à entrer au cénacle de l'intelligentsia, à devenir classique. Mais peut-on encore aujourd'hui parler de contre-culture quand l'information fuse électriquement au travers des médias, lorsqu'elle est récupérée par la publicité, quand la culture est devenue si éclectique et plurielle ? À mon humble avis oui ! La contre-culture est partout où l'insoumission est présente, partout où les réprimés ont besoin d'un exutoire, partout où le peuple se lève prouvant aux classes « supérieures » que l'intellectualité la plus fine peut se cacher dans la foule, l'innovation dans le commun, la beauté dans le présent.

Et je terminerai par ces mots de Boris Cyrulnik : « Tout innovateur est un transgresseur puisqu'il met dans la culture une pensée qui n'y était pas avant lui. Il est donc admiré par ceux qui aiment les idées nouvelles, et détesté par ceux qui se plaisent à réciter les idées admises. »15
 

 

Bibliographie

Livres : romans ou essais

  • Jean-Louis Harouel, Culture et contre-cultures, collection Quadrige, Presse universitaire de France, 1994

  • Hervé Glevarec, La culture à l'ère de la diversité, édition de l'Aube, Harmonia Mundi, 2013

  • Naomi Klein, No Logo, éditions Actes Sud, 2001

  • Bernard Préel, Le Choc des Générations, Éditions la Découverte, 2000

  • Dan Franck, Bohème, éditions Calmann Levy, 1998

  • Roy Lewis, Pourquoi j'ai mangé mon père, Pocket

  • Denys Riout, Qu'est-ce que l'art moderne ?, Folio essais, collection du groupe Gallimard, 2000

  • Ernst Gombrich, Histoire de l'art, Phaidon, première édition 1950

  • Viginie Despente, Bye Bye Blondie, Grasset, 2004

  • Miguel Amoros, Les Situationnistes et l'Anarchie, Éditions de la Roue, 2012.

  • Bourseiller (Christophe) & Penot-Lacassagne (Olivier) (dir.), Contre-cultures !, Paris, CNRS éditions, 2013.

  • Compagnon (Antoine), « Avant-gardes et récits orthodoxes », Les cinq paradoxes de la modernité, Paris, Seuil, 1990.

 

Site internet

 

Vidéo

  • Émission Strip Tease France 3 - Squat Skwatt - 2006

  • Où sont les contre-cultures ? - Forum d'Avignon 2013

  • Le Jour Le Plus Court - Soirée Contre-Culture

  • Contre-culture et publicité – Le Blog

 

 

1The making of Counter Culture (vers une contre-culture), 1969

2Définition Larousse : Se dit de spectacles, de films, d'œuvres littéraires, de revues d'avant-garde, réalisés en dehors des circuits commerciaux ordinaires.

3Denys Riout, Qu'est-ce que l'art moderne, chapitre : L'art abstrait

4Denys Riout Qu'est-ce que l'art moderne, Avant propos

5Définition Larousse

6Marie-Céline Lafontaine, ethnologue

7Gérard Denizeau, écrivain pour les archives de France

8 Denys Riout / « prophétie évangélique » suivant le succès tardif de Manet salon

9camp de réfugiés palestinien situé en Cisjordanie

10Titre d'un roman de Kerouac. Titre original The Dharma Bums

11Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. L’article 90, introduit par un amendement du gouvernement adopté par la commission des lois du Sénat, puis voté par le Sénat le 10 septembre 2010, créait une procédure d’exception, à l’initiative du Préfet et en l’absence du juge pour expulser les habitants installés de manière « illicite ». Si la procédure contradictoire était prévue dans les textes, elle était néanmoins compromise, et le texte voté par le Parlement prévoyait également la destruction des biens, ainsi qu’une amende de 3750 euros pour le propriétaire du terrain, public ou privé, qui s’opposerait à ces procédures.

12 En 2010, L.O.V.E. De l'artiste italien Maurizio Cattelan a provoqué la colère du président de l'autorité boursière milanaise avec sa sculpture baptisée L.O.V.E. Cette œuvre représentant une main aux doigts coupés à l'exception du majeur dressé était exposée devant la Bourse de Milan.

13Extrait de Denys Riout Qu'est-ce que l'art moderne ?

14Définition du Centre national des ressources textuelles et lexicales

15Boris Cyrulnic, Les âmes blessées

 

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 09:14

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« Isaak a un don incroyable pour faire en sorte que les gens s'ouvrent à lui et se sert de l'outil filmique comme un artiste aguerri manie ses pinceaux. En résulte du beau, de l'émotion et une humanité profonde. »
Times Online

 

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FICHE TECHNIQUE


    ART N°7 : Cinéma
    GENRE : court-métrage documentaire
    SOCIÉTÉ DE DISTRIBUTION : compagnie # Future shorts - festival de     films itinérants
    ANNÉE : 2001
    TITRE : Lift
    AUTEUR - RÉALISATEUR : Marc Isaacs
    @ http://www.marcisaacsfilms.com/


    SYNOPSIS : A quietly fascinating meditation on the mundanities of London life. Installing himself inside the lift of a high-rise block of council flats, Isaacs and his camera patiently observe the residents as they go about their daily business. As each of his subjects enters the lift, it's interesting to note their reactions to him being there; some are suspicious, others curious, and then there are those who seem more comfortable in his presence. (Times Online)


Une réflexion subtile et fascinante sur les va-et-vient londoniens. Posté dans un ascenseur d'une tour de logement sociaux, Isaacs et sa caméra observent patiemment ses résidents au fil de leurs activités quotidiennes. Au fur et à mesure qu'un sujet entre dans l'ascenseur, il est intéressant de voir leurs réactions face à sa présence : certains sont méfiants, d'autres curieux, et il y a enfin ceux qui semblent plus à l'aise. (traduction : Manu)
    DURÉE : 24,35 minutes
    LIEU DE TOURNAGE : l’ascenseur d'une tour de l'est londonien
    PERSONNAGES : une population bigarrée vivant dans l'immeuble
    LANGUE : anglais
    FORMAT : court-métrage
    ORIGINE : Grande Bretagne - Londres
    BANDE-SON : mono
    CONDITION & LIEU DE VISIONNAGE : projection par vidéo-projecteur à l'université Champollion d'Albi, dans le cadre d'un enseignement « cinéma » par Fabrice Godard, colporteur d'images pour les Vidéophages
   ÉQUIPE DU FILM : directrices de production : Rachel Wexler & Georgena McGahey / son : Bruce Stuart / mixage Nick Fry / éditeur : Clyde Kellett & Russell Crockett / couleur : Perry Gibbs / productrice exécutive : Belinda Gills & Andrew Hinton / adaptation : Julie Dutertre



001.jpgQuelques mots d'introduction :


    À la manière de l'émission belge Strip-Tease, les personnages du Lift se dévoilent dans leur quotidien sans qu'aucun jugement ne soit suggéré de la part du réalisateur. Par des questions brèves et intimes, Isaacs inspire à la confidence. Il met en lumière l'humanité dans le monde contemporain dans sa matérialité la plus cruelle.

 

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Marc Issacs, un cinéaste hors du commun


         À propos du réalisateur
    Docteur cinéaste diplômé de l'université de l'East London, depuis 2001, Chris Isaacs a réalisé plus de 10 films documentaires pour la BBC et Channel 4. Ses films ont connu le succès et reçu de nombreuses récompenses lors de festivals internationaux. On lui a consacré une rétrospective lors du festival du film documentaire de Lussas (Ardèche) en 2006. Outre son travail de cinéaste, il enseigne aujourd'hui à la London film school, The national film & television school et à la Royal Holloway university.
    Reconnu pour son empathie, Chris Isaacs a ce quelque chose qui pousse les gens à se confier à lui. Il en retire alors des créations originales et pétries d'humanité. Souvent désigné comme cinéaste « spatial », il tire profit des espaces publics afin d'y dénicher le vrai, le pur, une certaine idée du réel...


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Filmographie

 
        2001 :     Lift
        2002 :     Lifters
                Little vilain
                Everyday thieves
        2003 :    Travellers
                Calais, the last borders
        2005 :     Someday, my prince will come
        2006 :     The man who couldn't stop lying
                Philip and his seven wives
        2008 :     The Curious wolrd of Treaton-on-sea
                All whites in barking
        2009 :     Men of the city
        2011 :     Outside the court
        2013 :     The Road : a story of life and death

Lift, un ascenseur où se jouent des vies à cru


    Mécanique froide de l'acier, grisaille morne du béton, climat glacial : c'est dans ce décor impersonnel et inhospitalier que Chris Isaacs choisit de percer à jour l'humanité dans ce qu'elle a de plus cru.
    Lui-même issu de ces quartiers défavorisés de l'est Londonien, le cinéaste fait éclater les oubliés de notre société et les amène sur le devant de la scène. Il dévisage ces fantômes de l'arrière-plan, ces ouvriers sans qualifications qui triment, ces exilés venus chercher un eldorado, ces gens du tout venant qui parlent une langue sans fioriture et rentrent chez eux, seuls, la nuit.
     Lift représente excellemment bien la manière dont Isaacs travaille, un décor simple, des gros plans et avant tout le déploiement d'une idée. Ici, celle de l'emprisonnement de ses sujets successivement dans un espace confiné, dans une tour ou dans leur condition sociale... Les résidents pathétiques, attachants ou sardoniques amènent à sourire ; pourtant désenchanté, le spectateur peut vite en venir aux larmes tant la nature de la condition humaine dans le monde contemporain paraît sinistre.  À bon chat bon rat, l'expression correspond bien à l'intention d'Isaacs, étant toujours au bon endroit au bon moment, il obtient, chez ses sujets une justesse d'état et de propos.
    Le caractère  multi-ethnique et par extension multi-culturel de Londres assure à Isaacs une variété d'individus, des couleurs de peau différentes, un éventail de religions, en somme, un échantillon pertinent de notre société. Le fossé superficiel et pourtant clair qui sépare les résidents de la tour contribue grandement au message du film.
    Le véritable intérêt du travail d'Isaacs est la confiance qu'il parvient à inspirer chez ses sujets. Une confiance qui éclot grâce à l'espace familier et confiné. D'abord, quelques-uns sont réservés, d'autre plus présomptueux regardent fixement l'objectif et il y a ceux disposés à coopérer ou simplement ravis que l'on s’intéresse à eux, qui se livrent avec entrain. Au fur et à mesure que le film progresse, tous semblent s'habituer à sa présence, Marc Isaacs devient partie intégrante de leur rituel quotidien.
    Une fois qu'il a gagné la confiance de ses sujets, Isaacs leur pose une question simple. Technique tranchante mais efficace qui amène les personnage à révéler ce qu'ils ont de plus profond en eux. Les questions déclinées sont les suivantes (selon les cas) :
    -     « Quel est votre plus beau souvenir ? »
    -     « Croyez-vous en Dieu ? »
    -     « De quoi avez-vous rêvé cette nuit ? »
    -    « À qui vas-tu rendre visite ? »
    -    « À quoi avez vous pensé aujourd'hui ? »...
   
        Les réponses données et la réflexion qu'il insinue chez ses sujets sont captivantes. Une femme lui dira même : « vous m'avez fait réfléchir en me demandant à quoi je pensais, je me suis dit que personne ne m'avait jamais demandé... »

    Lift se déroule sous la lumière morbide et artificielle, qui éclaire l'errance des âmes en peine sur les couloirs sales de la vie. Mais par delà cette esthétique sinistre et mensongère, Isaacs pose l'indéniable paradoxe de la concentration et de la solitude humaine. Critique acerbe de l'Occident urbain, Lift n'est pas un ascenseur social mais bel et bien l'ascenseur d'un logement social.


Deux mois dans  l'ascenseur d'une tour de l' East End de Londres


 La tour
    La tour est un immeuble de 20 étages situé dans la banlieue Est de Londres. Il s'agit d'un logement social dans un quartier défavorisé et dans une ville cosmopolite.
    Travaillant avec, ce qu'il appelle, une méthodologie spatiale, Isaacs fait de ces lieux de tournage les éléments centraux, qui font quasiment figure de personnages.

 Les résidents de l'immeuble : des personnages hauts en couleurs

    Les résidents de l'immeuble prennent tour à tour l'ascenseur, ils montent ou descendent, amènent de l’extérieur la vie trépidante de la ville pour se nicher dans leur confort domestique ou bien le quittent pour plonger dans le monde. Ainsi les figurants deviennent personnages, choisissant de se prêter au jeu ou pas, ils livrent à Isaacs des bribes de leur quotidien. Voici quelques portraits anonymes ou non captés par le cinéaste.

    La première est une anonyme, il s'agit d'une femme âgée au rouge à lèvre criard et aux cheveux blonds décolorés. Lors de sa première apparition elle refuse l'entrée à un homme indien, elle s’autoproclame alors, gardienne du « reporter qui prend des photos ». Se disputant sans cesse avec ses voisins, elle apparaît acariâtre, désagréable, aigrie. Une sorcière urbaine qui se veut toute autre posant et souriant au cameraman. Il semble qu'elle soit Russe et juive puisqu'elle s'écrie « Mazeltov » avec un fort accent, alors qu'elle arrive à son étage. Le plus étonnant chez cette femme est qu'elle respecte davantage l'homme à la caméra, représentant de  l’éphémère, que son propre voisinage qui la débecte.
        nombre d'apparitions : 4

    Entrent 2 femmes portant toge noire et voile blanc, elle sont noires, elles ne communiquent pas.
        nombre d'apparitions : 1

    La poulie de l'ascenseur rythme les allées et venues, elle crisse et apparaît comme la métaphore de l'intimité pleureuse des appartements de l'immeuble.
        nombre d'apparitions : 8

    Marc Isaacs apparaît quelques fois, il se filme au travers du plafond ou bien ce sont ses pieds sur le sol pastillé de lino bleu.
        nombre d'apparitions : 5
   
    Un homme indien + une nonne qui répond à sa question : « les gens se parlent beaucoup dans l'ascenseur ? » « parfois, quand on se connaît » elle sourit à l'homme indien
        nombre d'apparitions de l'Indien : 3
        nombre d'apparitions de la nonne : 3
   
    Un couple arabe, l'homme regarde, la femme reste de dos
        nombre d'apparitions : 1

    une mouche
Cette mouche fait vraiment figure de personnage tant elle illustre le caractère glauque de cet ascenseur. Elle apparaît d'abord sur la paroi métallique rayée du Lift et meurt en dernière image.
        nombre d'apparitions : 5

    Sylvio, un italien au bonnet russe accompagné successivement d'un homme tenant son blouson, d'une femme et un bébé débattant de l'installation massive des Starbucks à Londres au détriment des petits commerces, et d'une jeune femme chantant.
        nombre d'apparitions de Sylvio : 4

    un British trentenaire sardonique, qui lui dit lors de la première rencontre : « J'ai un sauna et un jacuzzi dans l'appartement, c'est très agréable ». Il choisit néanmoins de coopérer et on entend ses pérégrinations de pub en pub dans Londres by night
        nombre d'apparitions : 4

    un homme complètement ivre vire Isaacs qui le filme de l’extérieur, se livre ensuite de bon cœur et explique son attitude disant qu'il était probablement saoul. Alors que Isaacs lui demande quel est son plus beau souvenir son visage s'illumine et il raconte que le plus bel instant de son existence a été la contemplation d'un aigle royal gigantesque et majestueux. Il s'appelle Peter et tente d'arrêter de boire et confie que les médecins refusent de l'aider.
        nombre d'apparitions : 3
   
    Deux anciens discutent , un papy bavard, Maurice qui vient de se faire opérer parle avec une dame qui semble ne pas avoir le temps. Maurice réapparaît et donne une sorte de spectacle de mains à Isaacs, on ne comprend pas vraiment ce qu'il tente de faire mais on sent sa bonhomie. On apprend aussi qu'il vient de subir une opération du cœur et que sans doute ce vieil homme sympathique mourra bientôt.
        nombre d'apparitions de Maurice : 3
   
    Dans un ascenseur bondé, une jeune femme chante, fait sa star, Sylvio est là et l'applaudit.

    Un jeune Noir va voir sa nana le soir de la Saint Valentin, il porte baggy, casquette, il est cool. La seconde fois que Isaacs le rencontre le jeune homme lui dit qu'il va voir son ex petite amie avec qui il a rompu le lendemain de la Saint-Valentin.
    nombre d'apparitions : 2

    Un homme accroché à sa bière tient des propos incohérents
    nombre d'apparitions : 1

    Deux vieilles femmes racistes parlent et comptent le nombre de juifs de l'immeuble pour s'endormir.

    Un homme noir, orphelin qui semble angoissé et inquiet. Son plus beau souvenir est d'avoir gagné un concours de flûte à bec, où il était le seul garçon parmi des fillettes. Ce personnage émeut le téléspectateur tant il paraît désorienté et triste.
    nombre d'apparition : 3

    L'Indien que nous avions rencontré avec la nonne revient et donne généreusement des fruits à Isaacs. C'est lui qui clôturera le film donnant du bétel (pâte à mâcher d'arec qui se déguste enroulée dans une feuille) au cinéaste.
    nombre d'apparitions : 2

 L'ascenseur, zone de transit :

    Le choix d'un espace tel que l'ascenseur est très pertinent. Un transport public quel qu'il soit plonge les gens dans leur réflexion, ils sont déjà en partie chez eux, dans leur intérieur, dans leur tête. Mais ici, dans l'ascenseur, aucune échappatoire n'est possible. Le temps imparti est trop court pour que l'on prenne la peine de sortir un livre ou bien de se réfugier derrière un casque audio, Marc Isaacs l'a compris et en profite. Ses sujets sont tout à lui et l'espace où l'on baisse les yeux habituellement devient un lieu de rencontre et d'échange.
   
Un huis-clos très étroit (Image, Son & Montage)
    D'un point de vue technique, l'ascenseur est loin d'être l'espace idéal, d'autant que Isaacs ne veut rien transformer, il entend filmer du vrai et ne doit donc pas changer les habitudes des usagers. Ainsi aucune lumière ni capteur de son n'ont été ajoutés. La force du film se joue au montage. La promiscuité du cinéaste avec ses sujets ajoute une certaine vérité dans la confidence, un caractère intime aux témoignages.
    Crissement des poulies, film des cordages métalliques qui s'enroulent, choix des personnages, filmage du couloir extérieur, de la tour sous la neige, de sa propre condition,  assis par terre puis sur une chaise... Tous ces éléments collés les uns aux autres de manière logique et rythmée animent Lift et en font un film captivant.
   
Conclusion : Le message du Lift
    Pour conclure, je dirai que la révélation de l'extraordinaire se fait dans l'ordinaire, le quotidien. La vie bouillonne en chacun des individus qui vivent sur cette planète. Chacun d'entre nous a ses difficultés propres, ses rêves, son passé et ce que Marc Isaacs souligne ici, c'est que si nous nous intéressions davantage aux histoires des personnes qui nous entourent, si l'anonymat des grandes cités n'empêchait en rien la cordialité, il serait peut-être plus aisé de bien vivre ensemble, de réinventer la société pour un monde meilleur.



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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 15:53

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HF THIEFAINE
STRATÉGIE DE L'INESPOIR



01 .  EN REMONTANT LE FLEUVE

02 . ANGÉLUS

03 . FENËTRE SUR DÉSERT

04 . STRATÉGIE DE L'INESPOIR

05 . KARAGANDA (CAMP 99)

06 . MYTILÈNE ISLAND

07 . RÉSILIENCE ZÉRO

08 . LUBIES SENTIMENTALES

09 . AMOUR DÉSAFFECTÉ

10 . MÉDIOCRATIE. . .

11 . RETOUR À CÉLINGRAD

12 . TOBOGGAN

BONUS : PÈRE & FILS


X V I I


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   SUBSTANTIALITÉ



    ART IV : MUSIQUE

   GENRE : ROCK POÉTIQUE FRANÇAIS

       OBJET : XVIIe ALBUM

          TITRE :  STRATÉGIE DE L'INESPOIR

ARTISTE – Auteur/Compositeur/Interprète : HF THIEFAINE

COMPOSITION : 12 titres + 1 Bonus

   LABEL : SONY MUSIC

    STUDIO GARAGE 

      (mixage et prises de sons guitares, claviers, cordes et voix)

     STUDIO FERBER
     (prises de sons batteries, basses, claviers et guitares)
       Assistants : Guillaume Dujardin

     STUDIO CABARET SAINTE LILITH
     pré-production et prises de sons guitares, voix

       RÉALISATION,  ENREGISTREMENT,  MIXAGE :
       Lucas Thiéfaine & Dominique Ledudal


         ARRANGEMENTS : LUCAS THIEFAINE
          Arrangements pour mytilène Island : Vincent Ségal
 

 

   DIRECTION ARTISTIQUE : Philippe Gandilhon & Philippe Russo
 

 

   CHARGÉ DE PRODUCTION : Sébastien Stéfani
   
   PHOTOS & ARTWORK : Yann Orhan

 

 

 

      ÉPIGRAPHE :
               

  « Le fou a chanté XVII fois, les yeux croisés sur son perchoir, une vérité au bout des doigts, une lampe entre les mâchoires... »
HFT Le chant du fou (1969)

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        A l'heure de la mort de l'industrie du disque, du téléchargement, du prêt des  médiathèques, de la gravure et de la numérisation, les rares albums rejoignant ma     discothèque répondent à des critères de sélection plutôt pointus. 

        D'abord il s'agira d'un artiste que je suis et dont les textes méritent une trace écrite, ensuite ce devra-t-être un bel objet et enfin il faudra que j'ai l'envie de l'écouter en boucle.
       
        Ainsi ces dernières années, les privilégiés ont été : Brigitte Fontaine et son « J'ai l'honneur d'être » en collaboration avec Areski Belkacem et Enki Bilal, Tom Waits  « Bad as me », Alain Souchon « La Vie Théodore », Thiéfaine « Suppléments de mensonge » et son dernier opus « Stratégie de l'inespoir ».
       
        Thiéfaine c'est avant tout une esthétique, punkie d'abord, elle évolue vers une imagerie mélancolico-rock. Cet album, qui suit une consécration aux Victoires de la     Musique après une carrière underground de plus de 30 ans, témoigne du passage de l'artiste  de l'ombre à la lumière.

        Loin d'être racoleur, la première écoute de ce disque laisse un brin dubitatif. Ça manque de rock, de punk... les univers y sont plus nostalgiques qu'électriques. Mais en     bonne connaisseuse de l'artiste je savais que je ne devais pas rester sur cette première impression, mais écouter, ré-écouter, comprendre la prose toujours secrète de Thiéfaine, m'acclimater à sa nouvelle voix et permettre que l'artiste puisse évoluer, mûrir, vieillir comme tout à chacun.
        Passé par pas mal d'excès, le gars a trouvé depuis quelques années, santé et relative sérénité. Pourtant toujours rebelle, Thiéfaine n'a rien perdu de son regard d'enfant sauvage du XXe siècle et il nous offre encore son cri adolescent mêlé d'une poésie qui n'appartient     qu'à lui.

        Pétri de culture, le chanteur poète nourri sa musique de références et de clins d’œil. Empruntés à tous les arts depuis l'Antiquité, voir à la préhistoire « on sort d'un     vieux logiciel made in Néanderthal-City »
        
        Ses mentors, chansonniers et poètes, Léo Férré, Rimbaud, Dylan ou Céline transparaissent dans son « écriture » et transpirent de ses pores. Ainsi, le cultureux     remarquera, outre l'épigraphe de Paul Celan, le clin d’œil au Bateau ivre de Rimbaud dans le premier titre où contrairement au poète qui descendait des fleuves impassible,Thiéfaine remonte le fleuve au-delà des rapides. L'averti entendra plus clairement la dédicace plus     franche à Céline dans le titre Retour à Célingrad, Mytilène Island ne sera pas étrangère au féru d'histoire, le curieux se renseignera sur Karaganda...


   

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    Dix des douze des titres portent en épigraphe les paroles  d'illustres poètes :                                                                   

    - Paul Celan, poète et traducteur roumain de langue allemande naturalisé français
🎶  EN REMONTANT LE FLEUVE
    « ...ein Weisensteinchen, flussaufwärts, die Zeichen zuschanden-gedeutet... »
    « ...infime caillou philosophal, en remontant le fleuve, les signes interprétés à mort à néant... »

    - Charles Trenet, chansonnier français surnommé « le fou chantant »
    🎶 FENÊTRE SUR DÉSERT
« Bonheur fané, cheveux au vent, baisers volés, rêves mouvants »

    - Pétrarque, érudit, poète et humaniste italien renaissant
🎶 STRATÉGIE DE L'INESPOIR
« chi puo dir com'egli arde, è in picciol fuoco »
« Celui qui peut dire comment il brûle, ne brûle que d'un feu médiocre »

- Jean-Paul Sartre, écrivain et philosophe existentialiste français
🎶 KARAGANDA (CAMP 99)
« Tout anti-communiste est un chien »

- Léon-Paul Fargue, poète et écrivain français
🎶 RÉSILIENCE ZÉRO
« J'ai été l'enfant qui tombe, et qui se fait très mal, et qu'on relève avec une gifle »

- Marcel Proust, romancier du début XXe
🎶 LUBIES SENTIMENTALES
« L'amour devient immense, nous ne songeons pas combien la femme réelle y tient peu de place »

- Lucrèce, poète et philosophe latin du 1er siècle av. J-C
🎶 MÉDIOCRATIE...
« Ogenus infelix humanum... »
« O race infortunée des hommes... »

- Louis-Ferdinand Céline, médecin et écrivain français nihiliste taxé d'antisémitisme
🎶 RETOUR À CÉLINGRAD
« Alors je vous prie ! Ma Statue ! Mon Square ! Mes Esplanades ! ma Ville ! Célingrad ! Célingrad au fait ! »

- Federico Garcia Lorca, poète et dramaturge espagnol, également peintre, pianiste et compositeur
TOBOGGAN
« …porque yo no soy un hombre,  ni un poeta,  ni un hoja,  pero si un pulso herido que sonda las cosas del otro lado... »
« ... parce que je suis ni un homme, ni un poète, ni une feuille, mais une pulsation blessée qui sonde les choses de l'autre côté... »

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        L'album que je tiens en main est un cartonnage à la Bradel qui se feuillette comme un livre,  le disque y est glissé en dernière page dans une pochette de papier noir.

        C'est Yann Orhan, photographe et graphiste qui design l'album. De son travail, très personnel, se dégage en clair-obscur, l'âme de ceux qu'il photographie. Ses shoots de M, Brigitte Fontaine ou Alina Orlova donnent à imaginer l'atmosphère et la couleur musicale de l'artiste. Ses visuels sous-tendent une patte, une personnalité, un univers artistique. Professionnel de l'industrie du     disque, il s’imprègne au préalable de son sujet et en les sublimant, participe à une communication efficace qui croise les arts.    

       
        C'est également lui qui avait œuvré à Supplément de mensonge où l'on pouvait voir Thiéfaine torse nu, de     face comme défiant l’œil du photographe, il apparaît aujourd'hui les yeux bandés de dentelle noire et sans titre apparent.
        Les deux albums noirs et blancs se suivent et se répondent, d'autant que c'est durant la tournée de Suppléments de mensonge qu'il a écrit les textes de Stratégie de l'inespoir.

        Six photographies rythment les textes sur pages blanches. La première, en regard de la tracklist et en clair-obscur, dévoile l'artiste portant lunettes noires, tête penchée, face à une fenêtre que l'on ne distingue pas. Puis un plan américain fait ressortir l'artiste à mi-cuisse dans un couloir au papier peint vieilli et déchiré. Au cœur de l'album et sur une double page, une     photographie met l'artiste en abyme grâce à un miroir dans une chambre qui paraît désaffectée.  En regard de la chanson Médiocratie, un gros plan comme pour imager l'amertume de l'artiste face à la  déshumanisation que dénonce le texte. Enfin, une dentelle végétale encadre un     double portrait celui des Thiéfaine, père et fils. Puis, au dos de l'album, la dentelle prend le dessus... Annonce d'une succession déjà ébauchée ?

        L'univers graphique de l'album fait songer à un manoir isolé en profonde campagne laissé à l'abandon depuis des lustres où erre un homme seul. Là, dans le calme et la désuétude l'artiste peut écrire, enregistrer... A la manière de Gus Van Sant dans son film Last Days, qui met en scène Mickael Pitt dans le rôle de Kurt Cobain, imaginant les derniers jours du musicien dans une     demeure perdue, Yann Orhan place Thiéfaine dans la froideur du temps qui passe.
        On se surprend même à penser que peut-être, il passe la main, et ouvre la voie à son fils déjà très présent     musicalement sur l'album.
        Le douzième titre, le bonus, laisse également présager cela. C'est un hommage à son fils, une     déclaration d'amour filiale, qui, à mon sens, n'avait pas sa place ici tant elle est lisse et  mièvre, sans harmonie aucune avec le reste de l'album.
 
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        Empruntés à la mythologie, à la littérature ou à l'ésotérisme, le très poétique et parfois hermétique lexique de Thiéfaine, transporte l’aficionado dans un univers rimbaldien électrisé, sur un asphalte suintant la mélancolie...

        Fidèle à sa prose singulière, il livre un album résolument rock, mâtiné d'épicuriennes et délicates variations.  C'est dans son chant et la musique qui l'accompagne que la métamorphose a opéré. Cet album, plus sage, signe un passage, comme un quasi-endormissement, comme un pas  vers une sagesse acérée... Est-ce le résultat d'une reconnaissance par un public plus large ? Répond-il à une commande plus consensuelle ?

        Pourtant jouant d'alexandrins et de néologismes, (médiocratie médiacrité, inespoir...) sa     « musi-mélancolie » est toujours aussi savoureuse. C'est juste que l'écoute de Stratégie de l'inespoir demande une écoute plus attentive, plus solitaire, plus réflexive.

        Après avoir remonté le fleuve, dans son Angélus, l'ancien séminariste qu'a été Thiéfaine assassine Dieu : «  je te salue seigneur (…) je suis ton déicide ». 
        Puis, il se libère d'un amour non-exclusif  dans Fenêtre sur désert, et déclare une flamme lucide et sans concession dans Stratégie de l'inespoir. On part au Kazakhstan, à Karaganda, symbole de souffrance et de désillusion pour bon nombre de pilotes anti-fascistes espagnols incarcérés sous Staline. « c'est l'histoire assassine qui rougit sous nos pas / c'est la voix de Staline     c'est le rire de Béria ... ».
        Le voyage s'adoucit à Mytilène Island,  cité de Lesbos,  judicieux jeu de mot qui s'inscrit comme une ode à l'homosexualité féminine habillée de notes par la sensitive et sensorielle Jeanne Cherhal.
        Puis vient Résilience zéro, texte nostalgique qui fait figure d'un J'accuse aux briseurs d'enfance. A la suite et en regard, deux chansons d'amour contraires, que suit Médiocratie, véritable coup de gueule contre la superficialité de notre société : « ça manque un peu     d'humanité ».
        Vient le Retour à Célingrad, écrit à l'occasion du 50e anniversaire de la mort de Céline, dont on ne sait trop s'il s'agit d'un éloge ou d'une diatribe, à l'égal de l'auteur à la fois génial, collaborateur et antisémite... Enfin le toboggan figure la glissade sensationnelle vers l'inconnu ou le chaos, et le chanteur expérimenté se demande « maint'nant devrais-je avoir peur & et fuir devant le     toboggan ? »

        Cet album apparaît comme une confession, un exutoire ou un testament. A la fois nostalgique, accusateur et libérateur, Thiéfaine fait le ménage. On sent une réelle évolution chez l'artiste qui gagne en maturité mais doit à tout prix se préserver de tomber dans la facilité de la variété. La musique qui enrobe ses textes est en effet moins percutante et plus « variet »... Sans doute a-t-il voulu ouvrir la voie à son fils qui calque sa musique sur un genre qui n'est pas le sien.

        Pour finir, je dirai qu'un peu déçue par la couleur de ce disque, je demeure néanmoins impatiente de retrouver Thiéfaine sur scène dès l'automne prochain.


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3 décembre 2014 3 03 /12 /décembre /2014 08:35

 

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Biométrie


    Objet: Concert
    Artistes: EZ3kiel, groupe Tourangeau formé en 1993
    Membres : Johann Guillon : guitare,     programmation,      claviers,ebow.
    Stéphane Babiud : batterie, vibraphone,     percussions, claviers,voix.
    Sylvain Joubert : basse, guitare, claviers.
    Yann Nguema : visuel, technologie, machines.
    Genre musical: Trip Hop – électro -      électroacoustique
    Première partie: VIDEOTAPE
    Où? Le Bolegason - Castres
    Label: Jarring Effects, maison musicale    indépendante, spécialisée dans les musiques indie et     anticonformistes
    Régie de tournée : D8K
    Album : LUX,dans les bacs le 10/11
      @ : http://www.ez3kiel.com/
    

UN SOIR AU BOLEGASON

    Après quelques coups de coups fil aux radios locales : Radio Mon Païs, R'd'Autan... La radio Castraise Radiom m'offrait deux billets pour le concert d'EZ3kiel à la scène de musique actuelle Le Bolegason à Castres.

    EZ3kiel c'est un groupe que je connais depuis plusieurs années déjà. Je sais que je ne vais pas danser ce vendredi 7 novembre mais me balancer indolemment, peut-être même serai-je propulsée dans mon propre imaginaire bercée par l'étrangeté du monde EZ3kiellin, sans doute j'en prendrai plein les yeux.
    Quelqu'un m'a dit cette semaine avoir été fascinée par leur scénographie « Il y avait un cube de lumière au centre de la scène, des vidéos y étaient projetées, c'était sublime »
    Je m'attend alors à vivre une émotion bleuté presque glacée pareille à l'affiche qui m'a déjà troublée.

    Nous manquons l'entrée en scène de VidéoTape, jeune pousse tarnaise, en résidence au Bolegason, qui génère une musique électro planante, incarnation d'une transe mouvante et mélancolique. Un trio au chant aérien et au style minimaliste très bien choisi pour introduire les explorateurs électroniques que sont EZ3kiel. Belle découverte _à suivre !

    Entrent EZ3kiel et leur lumière, leur univers mélancolique et leur musique tantôt rock tantôt planante.
     Plongée dans le noir, la salle comble attend, puis vient un triptyque de lumière rouge, faisceau pourpre sur le trio qui semblable à l'outre à vent gonfle et se dégonfle, viennent des lignes bleues _stroboscopiques, une énorme boule à facettes diffuse des lignes violettes, évanescentes... C'est du grand spectacle !
    Inclassable, performance  éclectique, robotique, électronique, voir EZ3kiel c'est vivre une expérience sensorielle, c'est remplir ses pores d'une musique lancinante teintée de sons cristallins et les revêtir de visuels colorés et oniriques.
    La musique toute en harmonie est scandée d'effets luminescents qui vous catapultent  dans votre imaginaire pour un voyage chimérique.
   


   
    RENCONTRE VISUELLE DU

TROISIÈME TYPE

    D'abord il y eut cette déclinaison d'affiches placardée sur à peu près tous les panneaux d'affichage de la région : une silhouette cristalline, bleue irradiant d'une lumière blanche presque étincelante, une figure androgyne d'où volettent des insectes comme pour scénariser l'image et un titre : EZ3kiel LUX Tour .
    « Lux... ? » Aussitôt c'est aux châtiments de Victor Hugo que je pensai : « Temps futurs ! vision sublime ! » (...) « Radieux avenir ! essor universel ! Épanouissement de l’homme sous le ciel ! ». Puis c'est à la couleur des musiques boréales que je songeai : Eivør Pálsdóttir, Fever Ray, Agnès obel ou encore au festival Caennais de musique électroniques Nordik... Tout laissait présager un concert d'une esthétique nordique chiadée.
    La contemporanéité électronique et l'harmonie bleuté des pays nordiques se fondent dans une unité graphique extrêmement attractive. Yann Nguema, graphiste et mécanicien poétique du groupe EZ3kiel confère au groupe une esthétique à mi-chemin entre plastique marine et céleste comme si depuis son propre monde aléatoirement englouti ou flottant la musique « EZ3klielline » diffusait son étrange lumière sur la Terre.
    Les visuels réalisés pour l'album LUX s'articulent autour d'une galerie de portraits à la fois organiques et synthétiques et par une suite de paysages fracturés finalisant le cadre bucolique des jardins imaginaires ébauché avec l'album Exebecce en 2012. Selon Nguema « Le propos de départ était d'associer dans le cadre bucolique des êtres fantomatiques à des animaux dans une chorégraphie surréaliste, poétique et parfois teintée de cruauté. ».Pour le projet LUX, de nouvelles lignes directrices sont venues compléter les tableaux. Les personnages sont devenus luminescents, un tantinet tribaux et surtout androgyne. L'énergie masculine et féminine fondue en un même corps répond à cette musique hermaphrodite et décomposée d'où s'évadent des corps étrangers:insectes & flèches



 
    Puis viennent les lasers stroboscopiques de la scénographie très spécifique qui accompagne la formation.
    Derrière le trio (Yann Nguema est en régie), 48 projecteurs rotatifs plaqués de blancs sur leur face arrière :  les Magicpanel, tant resserrés les uns sur les autres qu'ils donnent une impression d'écran, le « Magic-screen ».
    Ce procédé biface permet une exploitation double générant en temps réel des associations de vidéos et de mouvements inédits impossibles à réaliser avec une console lumière. Lorsque les projecteurs sont totalement retournés, le « Magic-Screen » se transforme en écran classique et associé à un vidéoprojecteur, il permet la combinaison : projections, lumières, lasers et robotiques pour un enveloppement optimal dans le prisme poétique et technologique de l'univers EZ3kiellin.
    Au delà de leur intérêt purement visuel, ces effets luminescents font figure d'habillage graphique et confère une matière tantôt éthérée tantôt radieuse aux musiciens. Ainsi des leds tournoient autour des accords du guitariste, des spots viennent caresser la silhouette du bassiste et les coups épileptiques du batteur sont « stroboscopés » pour un rendu des plus envoûtant.
    l'étrange poésie qui caractérise l’univers du groupe est sublimée par la fonte des abstractions algorithmiques et de la musique lyrique.
Une véritable symbiose entre image et musique !

 

« on a envie de mettre autant de beauté, de technique et d’investissement dans les images qui accompagnent le travail du groupe que dans les morceaux. Cela se fait avec la même énergie. »
Yann Nguema




LA MUSIQUE D'EZ3kiel :

UNE ERUPTION LYRIQUE

    EZ3kiel c'est avant tout de la musique instrumentale expérimentale, qui empreinte différentes voix, de l’électro au post-rock, en passant par des morceaux plus classiques, c'est une musique avec une couleur à la fois mélancolique et poétique.
    En esthètes avisés, EZ3kiel crée des mélodies pouvant s'harmoniser avec des images et un visuel auto-construit par l'imaginaire des auditeurs.
    La musique d'EZ3kiel est si novatrice qu'elle est inclassable. On ne sait d'ailleurs si la forme « concert » convient réellement au spectacle qui nous est donné tant les visuels y sont importants.
    La maîtrise technique du trio et sa volonté de maximiser les effets avec pédales, claviers, guitares, basse, batterie font oublier la technicité de la performance et permettent une fuite lyrique, un envol libre du public.
    Le groupe a beaucoup évolué depuis leur électro-dub tricolore vivace aux côtés de High Tone et Zenzile. Ils évoluent désormais vers un son post-rock qui lorgne vers Mogwai, Explosions in the Sky ou bien les japonais de Mono.
    Les rythmes déstructurés, le côté noisy et l'ambiance lourde de Lux dévoile la maestria du groupe. Le morceau Anonymous, porté par la voix très féminine de Pierre Mottron, s'inscrit dans la dimension trip-hop avec ce qu'il faut de basse et de breaks pour apporter un peu d'aspérités. En bref leur musique sans cesse renouvelée raisonne encore avec justesse à nos oreilles.

UN PUBLIC HÉTÉROCLITE

QU'IL EST BON DE RENCONTRER

      D'âge et de style différent,le public du Bolegason est conquis. Depuis le carré fumeur les critiques fusent, certains émerveillés regrettent que ce soit terminé et ne tarissent pas d'éloges tandis que d'autres, peu nombreux, l'air plus connaisseur, un peu snob même, peinent à articuler leur déception. Mais globalement c'est un succès.
    On remarque beaucoup de danseurs contemporains gesticulant leur chorégraphie, des quarantenaires dodelinant de la tête, des plus jeunes, les fans... En somme un public bigarré.
    Alors que je flâne autour des disques, affiches et autres produits dérivés, je papote sans d'abord m'en rendre compte avec Johann Guillon le guitariste, Il m'offre une affiche. L'ensemble du groupe se ballade ainsi dans le hall et discute avec qui le veut bien. Cette proximité, _rare, confère aux EZ3kiel une sympathique simplicité et une certaine curiosité qui m'a ravie. Ni pédants, ni stars alors qu'expérimentés et remplissant des salles de concert, ils ont su ne pas tomber dans les affres du succès et demeurent gourmands de rencontre et d'échange.

 


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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 11:17

 

Brève .1 * Quelles sont ces alarmes bigarrées qui chevauchent dans sa tête ? L'armoire de son cerveau, pourtant si pleine, est renversée, désordonnée si bien qu'elle tâte comme une funambule son fil. Elle a peur que sa raison ne se soit détachée de son corps et logée ailleurs. Comme si le grimaçant monde se riait d'elle. Comme si veule et seule, elle se faisait coulure devant la disgrâce. Psychose trop longtemps animée. Elle avait un jour acheté une carte postale Place des Vosges, un carton rouge et noir sur lequel le mot 'Crire' bondissait. C'est ce qu'elle voulait à cette heure crire, griffer le papier jusqu'à saigner d'encre noire. Ne pas compter les mots ni faire de style, ne pas craindre la mièvrerie, elle écrivait pour les elles, et se devait de ne plus affecter de pudeur à ses sois. Pourtant elle relisait chaque ligne et y scrutait de la poésie n'y trouvant que besoin elle se laisser de nouveau aller.

PSYCHOSE [-koz] n.f. 1. Affection mentale caractérisée par une altération profonde de la personnalité et des fonctions intellectuelles, et par le fait que le sujet n'a pas conscience de son état.
- Larousse

NÉVROSE n.f. (du gr. neuron, nerf). Affection psychique perturbant peu la personnalité et la vie sociale, et dont le sujet est conscient.
- Larousse

JE . affectée mentalement par la première, la seconde lui offrant psychiquement la conscience...

 

Ne plus parler, jamais. Encrer ne plus ancrer. Ne se livrer qu'à soi ou à son soi amoureux …

Se fermer à la malveillance... Cesser de souffrir, arrêter, trancher, dire, rétorquer... Non, se taire ! Terrer son intimité. Accueillir la pudeur. Changer...

__

 

Brève . 2 * Poésie, ivresse et patchouli, elle était tout ça et bien souvent, elle aurait volontiers troqué cet attirail contre fable noire, sommeil et opium. Sa difficulté à vivre n'existait pas dans l'isolement mais alors que les vautours d'autour levaient le voile sur son sein. Ce sein rond et replet devenait alors formidable et mou puis discret et ineffable. Ainsi allait et venait-elle sur le fil de la vie, comme une funambule sans équilibre, comme un chat sans moustache. Atroce mangeuse, gourmande insatiable, mante religieuse, pythie du Diable, elle se délectait du sentiment. Oui c'était bien ce saisissement dont elle se repaissait, repassant dans son esprits mille fois les odeurs hormonales. Dévoreuse de blanche blandice, c'est cet attrait électrique qui la perdait. Cette émotion physique, énergétique qui passait entre les êtres animaux. Victime pourtant de cette assuétude, elle avait décidé de ne plus se confondre en émotion. Ne plus s'ébranler jamais que pour l'Amour . Pourquoi cherchait-elle qu'on l'adule au point de se pâmer ? Sans doute trop nourrie de littérature et de cinéma s'était-elle inventé un besoin qui présentement l'aliénait. Il lui fallait une méthode, un stratagème, un moyen de se débarrasser de ces engouement vains. La thérapie lui avait toujours fait peur, elle avait toujours craint qu'un hurluberlu ne la transforme comme Gepetto son Pinocchio, l'hypnose peut être... non ! la métamorphose n'opérerait que consciemment et douloureusement.

__

 

Brève . 3 * emballement fugace...

 

__

 

Brève . 4 * Une machine à suicide ou un tueur embusqué seraient pratiques.

 

__

 

Brève . 5 * Un couloir blanc. De longues virgules l'arpentent tandis que défile un paysage en clair-obscur depuis la berline déglinguée. Jazz, filles perdues, alcool et herbe s'égrènent sur la route tandis qu'éclate la littérature des clochards célestes...

__

Brève.6 * Automatiques écritures qui plient l'ennui. Ennui né de lui-même. Ennui ravageur qui cloque et claudique. Tic tac, seconde, temps fuyant que je dis ne pas compter et qui me compte. Course folle qui m'emmène qui m'égrène, où suis-je dans moi ? Retrouverai-je un jour l'essence de mes veines ou est-ce course vaine ? Calcul... quel mot affreux que celui là, je le libelle au cas. J'imagine les ruines intérieures que nous explorons tous sans savoir rebâtir leur carcasse, des touffes herbeuses s'y logent, y trouvant encore de l'eau-de-vie... Ruine c'est bien cela mon corps est ruine, les ronces qui s'y étalent scie égoïne. Alarme qui vrille sans arme je cille...

 

Brève.7* Shakti, essence féline féminine, amie sibylline, si altière, si noble, Adieu...

 

Brève. 8* Un jour chaud et gonflé d'orage se profile tandis que je puzzle 'Le déjeuner' de Monet... Je suis sur mon chemin, trait noirci de paresse et coloré de beauté, ligne étiolée qui s'efface presque dans l'attente d'une autre attente... et je bois, je bois parce que l'alcool me revigore, m'anime, m'alanguis moins qu'il ne me presse...

 

Brève. 9* Mélancolie, nostalgie, jolis mots pour la blessure, la blessure qui dure, qui blesse et me fesse... rêve d'enterrement, gisement sous terre pour mon âme fatiguée par une vie trop jeune, refrain trop souvent répété qui m'alanguis et me noie... suis une oie ? Peut être... sauvage alors ! oie sauvage de Nil Holgerson je plane sur cette Oie.. Oie magique qui du jeu devient rota ou tarot divination angélique... delirium qui n'égalera jamais Artaud ni par les maux ni par les mots...

 

Brève. 10* Trouver ma place, changer de face, m'arracher à cette peau trop collante qui me déguise, galante... Qui sont ces voix frayeurs qui sifflent dans ma tête, m'arrachant larmes et soupirs, alarmes et délires ? Sans cesse déguisée j'ai perdu mon habit de tous les jours, mon doux frou-frou du dimanche, mon costume des jours de fête, je suis nue, pelée, désincarnée . Pourquoi envahie par la peur je casse mon leurre au risque de m'appesantir jusqu'à tomber? Je me manque à moi même, je me mange moi-même, aime moi ange du dedans... parler, parler, sans dire, sourire, rire, amuser, devenir le clown, le clown qui meure au dedans et divulgue la vie au dehors...

 

Le sans dire


Mange-cœur va sans dire

mots coincés dans sa gorge, voyelles qui s'étirent

il est le pantomime

la rime muette et bavarde qui mue et mime

ses clownesques cassures

étreignent sa carcasse jusqu'à la meurtrissure

il va sans dire

il va


Crire

 

  "Pour ne pas toucher taire"

(ce dernier vers emprunté à Barbara Albeck)

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Visage De L'invisible

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Déracinés ...

imagesCAZKQ4OQ   " La lisière est belle , s'était toujours entendu dire la jeune fille par ses parents, nous avons bien de la chance  de pouvoir admirer la forêt de nos fenêtres mais, point trop n'en faut. Notre vraie vie se déroule dans les prés, les villes, et villages, les églises et écoles, tous ces lieux harmonieusement disposés et cartésiennement surveillés par les diverses instances de l'ordre social, économique, religieux, et politique."                   

Nancy Huston   femme-arbre2

  "Il y a deux sortes d'arbres : les hêtres et les non-hêtre."

 Raymond Queneau

chaignon li rose

" L'harmonie fut ma mère dans la chanson des arbres et c'est parmi les fleurs que j'ai appris à aimer."

 Friedrich Hölderlin

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"C'est l'hiver, les arbres sont en bois"  

Jules Renard  

Krishnamurti

  "La beauté inclut évidemment la beauté de la forme; mais sans la beauté intérieure, la simple appréciation sensuelle de cette beauté de la forme mène à la dégradation, à la désintégration. Il n'est de beauté intérieure que lorsqu'on éprouve un amour véritable pour les gens et les choses qui peuplent la terre, cet amour s'accompagne d'un très haut degrè de considération, de prévenance et de patience."

 

kris

" Cette terre est la nôtre, elle n'appartient ni aux communistes, ni ni aux socialistes, ni aux capitalistes; elle est à vous et à moi, prête à nous offrir une vie riche, heureuse, sans conflit. Mais ce sentiment de la richesse de la vie, ce sentiment de bonheur, ce sentiment qui nous souffle : "Cette terre est à nous", ne peut être suscité par la coercition ou par la loi. Il ne peut venir que de l'intérieur, parce que nous aimons la terre et tout ce qui l'habite : voilà ce qu'est cet état de perpétuel apprentissage."

HaïKuS eStAmPéS

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Jupe virevoltante

et chignon haut placé

 

Je l'ai vu passé

rue de la Gaîté

 

belle

         belle

                  belle

à pleurer

 

Givaudan

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Orchidée du soir

cachant dans son parfum

le blanc de sa fleur

Buson

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Ni sourire

ni larmes

dans cet hibiscus

Ransetsu

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Rampant sur le sol

de la maison déserte

un volubilis

Shiki

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Sur un tas d'ordures

un volubilis a fleuri -

tardifd'automne

Taigi

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Visite au cimetière

le plus jeune enfant

porte le balai

Issa

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Descendant du champs

ruisselant sur eux

l'eau de l'automne

Buson

BULLE NEIGE 

Sous la lune voilée

les fleurs de Kaido

sommeillent

Kikaku

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Si rudement tombe

sur les oeillets

l'averse d'été

Sampû

PONT HIROSHIGE 

Averse d'été -

les moineaux du village

s'accrochent aux herbes

Buson

estampe 

Même au fond des puits

on peut voir les étoiles

Givaudan

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ROUGE

DREAMSELLER by notmystyle 

Ocre rouge, rouge rubis, vermillon, cramoisi, pourpre, sang, carmin, écarlate, lie de vin ... Les nombreux mythes qui évoquent la genèse de la Terre la décrivent de couleur rouge. La science a mis en évidence que le pigment le plus répandu à la surface du globe est l'oxyde de fer qui devient rouge dès qu'il s'altère. Il est donc très probable que le premier continent fut effectivement rouge à l'aube de son Histoire...  

  plagerouge en Chine

La plage rouge de la province de Liaoning en Chine. Les algues de ce marais d'eau salée rougeoient nos mois d'été...

 

Rouge

le rouge de Zao Wou Ki

 

 

l'iris est un coeur...

" Chaque fois qu'un enfant dit : "je ne crois pas aux fées", il y a quelque part une petite fée qui meurt"  

James Matthew Barrie Peter Pan

 

  Fairies Looking Through A Gothic Arch, John Anster Fitzerald 


"Fées répandez partout la rosée sacrée des champs " 

William Shakespeare, Le songe d'une nuit d'été 

Spirit-of-the-Night--1879

Spirit of the Night, John Atkinson Grimshaw

 

"La bonne grâce est le vrai don des fées; sans elles on ne peut rien, avec elle on peut tout."

Charles Perrault, Cendrillon  

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Les anémones, Maurice Denis


"Le hasard, c'est le déguisement de Dieu pour voyager incognito." 

Saint Exupery