Lire ce court récit de Yannick Haenel, c'est embarquer pour une promenade sensorielle cousue de fils poétiques. C'est se perdre dans la soyeuse robe de la Dame à la Licorne et en distiller les moindres secrets. C'est encore vivre une experience sensuelle et intemporelle au cours d'une balade parisienne où le printemps affleure.
Cet ouvrage, imprimé sur papier crème et rythmé par de jolis médaillons de la "Dame", permet au lecteur d'appréhender la fascination qu'exerce la fameuse tapisserie, et cela en douceur avec toute la délicatesse d'un amoureux pudique... Ce petit précis où les plus grands poètes y vont de leurs bons mots : Lautréamont, Baudelaire, Rilke ou Rimbaud est absolument délicieux et s'y laisser flâner, puisque "la jouissance est le temps qui jouit en nous lorsque nous sommes disponible au temps" est un réel exercice poétique.
"(...) il n'existe pas seulement "cinq sens", ni même six ou sept. Les sensations sont libres : elles se dédoublent, elles triplent, s'enchevêtrent, se multiplient. Les "cinq sens" désignent une idée restreinte du corps. Ils n'affectent que les vieux corps, les corps caducs, ceux qui sont travaillés par le code."
"Vous ne saisissez pas bien de quoi il s'agit, tout ce rouge, ces gestes de femmes, ces animaux, ces bijoux, ces armoiries. Les délicatesses foisonnent, elles volent partout. Vous sentez que vous en aurez pour des heures, des journées entières à goûter ce luxe."
"Vous pensez au mot "délicatesse", au mot "secret", à nouveau au mot "poésie". Vous vous dites qu'un secret poétique s'offre à vous en se dérobant. Il se met à l'abri, et vous surprenez ça : l'instant calme d'un monde qui se réserve. Vous vous sentez non pas exclu, mais au contraire étrangement invité. "