Brève .1 * Quelles sont ces alarmes bigarrées qui chevauchent dans sa tête ? L'armoire de son cerveau, pourtant si pleine, est renversée, désordonnée si bien qu'elle tâte comme une funambule son fil. Elle a peur que sa raison ne se soit détachée de son corps et logée ailleurs. Comme si le grimaçant monde se riait d'elle. Comme si veule et seule, elle se faisait coulure devant la disgrâce. Psychose trop longtemps animée. Elle avait un jour acheté une carte postale Place des Vosges, un carton rouge et noir sur lequel le mot 'Crire' bondissait. C'est ce qu'elle voulait à cette heure crire, griffer le papier jusqu'à saigner d'encre noire. Ne pas compter les mots ni faire de style, ne pas craindre la mièvrerie, elle écrivait pour les elles, et se devait de ne plus affecter de pudeur à ses sois. Pourtant elle relisait chaque ligne et y scrutait de la poésie n'y trouvant que besoin elle se laisser de nouveau aller.
PSYCHOSE [-koz] n.f. 1. Affection mentale caractérisée par une altération profonde de la personnalité et des fonctions intellectuelles, et par le fait que le sujet n'a pas conscience de son état.
- Larousse
NÉVROSE n.f. (du gr. neuron, nerf). Affection psychique perturbant peu la personnalité et la vie sociale, et dont le sujet est conscient.
- Larousse
JE . affectée mentalement par la première, la seconde lui offrant psychiquement la conscience...
Ne plus parler, jamais. Encrer ne plus ancrer. Ne se livrer qu'à soi ou à son soi amoureux …
Se fermer à la malveillance... Cesser de souffrir, arrêter, trancher, dire, rétorquer... Non, se taire ! Terrer son intimité. Accueillir la pudeur. Changer...
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Brève . 2 * Poésie, ivresse et patchouli, elle était tout ça et bien souvent, elle aurait volontiers troqué cet attirail contre fable noire, sommeil et opium. Sa difficulté à vivre n'existait pas dans l'isolement mais alors que les vautours d'autour levaient le voile sur son sein. Ce sein rond et replet devenait alors formidable et mou puis discret et ineffable. Ainsi allait et venait-elle sur le fil de la vie, comme une funambule sans équilibre, comme un chat sans moustache. Atroce mangeuse, gourmande insatiable, mante religieuse, pythie du Diable, elle se délectait du sentiment. Oui c'était bien ce saisissement dont elle se repaissait, repassant dans son esprits mille fois les odeurs hormonales. Dévoreuse de blanche blandice, c'est cet attrait électrique qui la perdait. Cette émotion physique, énergétique qui passait entre les êtres animaux. Victime pourtant de cette assuétude, elle avait décidé de ne plus se confondre en émotion. Ne plus s'ébranler jamais que pour l'Amour . Pourquoi cherchait-elle qu'on l'adule au point de se pâmer ? Sans doute trop nourrie de littérature et de cinéma s'était-elle inventé un besoin qui présentement l'aliénait. Il lui fallait une méthode, un stratagème, un moyen de se débarrasser de ces engouement vains. La thérapie lui avait toujours fait peur, elle avait toujours craint qu'un hurluberlu ne la transforme comme Gepetto son Pinocchio, l'hypnose peut être... non ! la métamorphose n'opérerait que consciemment et douloureusement.
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Brève . 3 * emballement fugace...
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Brève . 4 * Une machine à suicide ou un tueur embusqué seraient pratiques.
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Brève . 5 * Un couloir blanc. De longues virgules l'arpentent tandis que défile un paysage en clair-obscur depuis la berline déglinguée. Jazz, filles perdues, alcool et herbe s'égrènent sur la route tandis qu'éclate la littérature des clochards célestes...
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Brève.6 * Automatiques écritures qui plient l'ennui. Ennui né de lui-même. Ennui ravageur qui cloque et claudique. Tic tac, seconde, temps fuyant que je dis ne pas compter et qui me compte. Course folle qui m'emmène qui m'égrène, où suis-je dans moi ? Retrouverai-je un jour l'essence de mes veines ou est-ce course vaine ? Calcul... quel mot affreux que celui là, je le libelle au cas. J'imagine les ruines intérieures que nous explorons tous sans savoir rebâtir leur carcasse, des touffes herbeuses s'y logent, y trouvant encore de l'eau-de-vie... Ruine c'est bien cela mon corps est ruine, les ronces qui s'y étalent scie égoïne. Alarme qui vrille sans arme je cille...
Brève.7* Shakti, essence féline féminine, amie sibylline, si altière, si noble, Adieu...
Brève. 8* Un jour chaud et gonflé d'orage se profile tandis que je puzzle 'Le déjeuner' de Monet... Je suis sur mon chemin, trait noirci de paresse et coloré de beauté, ligne étiolée qui s'efface presque dans l'attente d'une autre attente... et je bois, je bois parce que l'alcool me revigore, m'anime, m'alanguis moins qu'il ne me presse...
Brève. 9* Mélancolie, nostalgie, jolis mots pour la blessure, la blessure qui dure, qui blesse et me fesse... rêve d'enterrement, gisement sous terre pour mon âme fatiguée par une vie trop jeune, refrain trop souvent répété qui m'alanguis et me noie... suis une oie ? Peut être... sauvage alors ! oie sauvage de Nil Holgerson je plane sur cette Oie.. Oie magique qui du jeu devient rota ou tarot divination angélique... delirium qui n'égalera jamais Artaud ni par les maux ni par les mots...
Brève. 10* Trouver ma place, changer de face, m'arracher à cette peau trop collante qui me déguise, galante... Qui sont ces voix frayeurs qui sifflent dans ma tête, m'arrachant larmes et soupirs, alarmes et délires ? Sans cesse déguisée j'ai perdu mon habit de tous les jours, mon doux frou-frou du dimanche, mon costume des jours de fête, je suis nue, pelée, désincarnée . Pourquoi envahie par la peur je casse mon leurre au risque de m'appesantir jusqu'à tomber? Je me manque à moi même, je me mange moi-même, aime moi ange du dedans... parler, parler, sans dire, sourire, rire, amuser, devenir le clown, le clown qui meure au dedans et divulgue la vie au dehors...
Le sans dire
Mange-cœur va sans dire
mots coincés dans sa gorge, voyelles qui s'étirent
il est le pantomime
la rime muette et bavarde qui mue et mime
ses clownesques cassures
étreignent sa carcasse jusqu'à la meurtrissure
il va sans dire
il va
Crire
"Pour ne pas toucher taire"
(ce dernier vers emprunté à Barbara Albeck)