Qu'on me traite de vieux réac !
J'aurais bientôt sept milles ans, autant d'années que Pline le Jeune compte de poisons. C'est vous dire combien j'ai cure de vos avis.
J'ai porté un âge : le Bronze-Arsenic, on l'a vulgairement remplacé par le fragile Etain qu'on a dit plus ductile... Pour glorifier un temps, c'est l'Or qui l'emporte alors qu'il m'exhale. J'offre pourtant bien plus de nuances ; l'Orpiment, c'est moi, quand je suis jaune comme la jalousie, le Réalgar, c'est encore moi habillé de sang cette fois.
On se joue de moi !
Arsenic, je deviens Arts scéniques, en 1944, Franck Capra m'affuble même de vieilles dentelles, je suis pourtant Arsenikon : l'essence du mâle ! Pour sûr c'est un coup d'Arsène Darmesteter, ce linguiste pédéraste ! Ou bien c'est ce fieffé Arsène Lupin qui m'aurait volé ma racine grecque... Voilà un temps où l'on me respectait : le monde Antique, bien que je n'ai jamais compris pourquoi Socrate avait choisi la cigüe, ni Cléopâtre l'aspic.
Au VIIIème siècle, un alchimiste, Jabir Ibn Hayyan me minéralise et m'offre le titre de : “poison des rois et roi des poisons”, une consécration ! Les romains, ritals gredins, me préfèrent le cyanure. Au XVIIème siècle, je suis en vogue et deviens la “poudre de succession”, je suis celui qui dompte le mâle, les précieuses assassines m'utilisent pour de l'Or (toujours, il me dame le pion !). Mais encore on me retire mes titres et cette fois ce sont les puritains de Notre Dame qui me chassent par la Chambre ardente.
Victoire ! les victoriens me remettent à la mode mais les enfants d'Hyppocrate me trouvent un antidote et je m'évanouis.
Le monde va à vau-l'eau !
Aujourd'hui, minuscule particule, je suis partout désincarné, innommable... Pesticide, antibiotique, insecticide, transistor ou laser.
Métalloïde, allotrope du métal et du non-métal.
Substance léthale.
Numéro atomique 33.