- Le Radeau de la Méduse est peint par Théodore Géricault (1781-1824)
- Peinture à l'huile, toile sur bois peinte en 1818-1819
- Oeuvre monumentale de 491cm / 716cm exposée au Musée du Louvres à Paris
- Peinture d'Histoire exposée au Salon de 1819
Géricault illustre ici le naufrage de la frégate nommée la Méduse due à l'incompétence de son capitaine. Un évènement qui marqua les esprits de l'époque et dont la presse s'empara avec avidité. Les naufragés construisent un radeau à l'aide de la carcasse du navire, sur cent quarante sept occupants, seuls dix survivront , et dériveront pendant douze jours avec très peu de vivres et d'eau, on a même rapporté que des lambeaux de chair humaine était restés accrochés aux cordages où on les avaient fait sécher.
La critique vit un message politique dans ce tableau, alors que Géricault puisa sa force dans le drame personnel qu'il vivait. Il venait, en effet, d'engrosser la femme d'un de ses oncle et on avait abandonné l'enfant adultérin, on dit que Géricault aurait vécu cloitré dans son atelier et que son radeau lui aurait servit d'exutoire à sa lâcheté. Géricault était alors en faveur des Bourbons et aurait aimé vendre son tableau à Louis XVIII, mais comme on y vit une provocation, un dédain pour la marine nationale, on bouda l'oeuvre et elle fit surtout scandale auprès du public. Très documentés, Géricault assista au procès, lu tout ce que l'on pouvait trouvé au sujet du naufrage, rencontra le chapentier du radeau qui lui confectionna une maquette et alla même jusqu'à amener jusqu'à son atelier des morceaux de cadavres pour perfectionner la couleur de la carnation de ses personnages. Il loua pour son travail un immense atelier dans lequel il reproduisit le radeau pour un réalisme plus cru. Dans son humilité et son insatisfaction permanente, Géricault dira au sujet de son radeau : "De la grande peinture cela ! Mais c'est un tableau de chevalet."
Il choisit pourtant de représenter l'instant qui suivit le naufrage et le moment de la dérive, sujet d'apparence moins spectaculaire mais qui le devint par la manière dont il le traita. La monumentalité de son tableau et sa composition complexe lui confère un certain gigantisme. Cette oeuvre monumentale est génialement composée, deux pyramides guident l'oeil du spectateurs dont le faîte de l'une n'est autre que le mât de fortune et l'autre l'homme noir qui secoue son morceau de tissu. l'oeuvre extrêmement sculpturale se découpe en deux triangles clair-obscur. Une diagonale est tendue depuis le premier corps jusqu'à l'angle du tableau. Au loin quelques petits millimètres laisse entr'apercevoir un navire. Géricault a volontairement choisi un plan très rapproché qui donne au spectateur l'impression qu'il peut monter à bord. Au premier plan, des corps morts se noient, puis un homme assis, laissant reposé sa tête sur sa main semble résigné et songe probablement à la vaste comédie humaine, aux vicissitudes de la vie et à la mort. L'homme noir qui agite son morceau de tissu est au sommet de la pyramide et bien qu'il représente le plus bas de l'échelle sociale, c'est lui qui sauvera l'équipage. Au-delà du fort symbole montrant que les peuples occidentaux aurait perdu cette pulsion de vie des peuples "sauvages", Géricault réalise un plaidoyer pour "l'homme sauvage", "le noir", le "non civilisé". L'entassement des corps qui montre la promiscuité forcée est une puissante métaphore illustrant le fait qu'il sont tous égaux et embarqués sur "le même bateau". On imagine aisément que le radeau de la Méduse venait d'Afrique du Nord, rapportant des esclaves. Lorsque Géricault livra son tableau et le vit pour la première fois hors de son atelier, il découvrit quelques défauts formels. Avec une célérité remarquable, il aurait alors ajouter un cadavre à gauche et un autre en bas à droite. Il avait ainsi, avec ces deux nouveaux cadavres, élargi la base de sa pyramide humaine, stabilisé sa composition et renforcé le caractère monumental du tableau.
C'est le bitume dont se servira Géricault en sous-couche qui donnera cette teinte sombre au tableau, il utilisera également du vernis mélangé à d'autres produits qui lui conféreront cet aspect doré. Tout ces procédés font que le tableau est aujourd'hui bien plus sombre que lors de sa conception.
Géricault travailla très longtemps à cette oeuvre, et multiplia les croquis et oeuvres préparatoires, sur certaines d'entre-elles il avait même représenté le cannibalisme que durent pratiquer les naufragés pour survivre puis abandonna l'idée jugée trop choquante. Peintre, sculpteur, graveur on reprocha souvent à Géricault ses lignes imparfaites, il réalisit pourtant avec Le Radeau de la Méduse une prouesse sculpturale avec le galbe impeccable des agonisants, leur expressivité gestuelle et son éclairage Caravagesque. Lui qui à vingt sept ans ne désirait qu'une chose : devenir célèbre, créa une allégorie pathétique de la souffrance humaine. Lui, le romantique, devint le précurseur du réalisme par son refus du détail et sa recherche de l'instantanéité. Depuis ce tableau jusqu'à Manet personne ne donnera ainsi une telle impression de mouvement et de vitesse. Domaine auquel il s'attela durant toute sa courte carrière en peignant ses fameux chevaux qui finirent par le tuer.