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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 16:39

2.jpg  Alicia Dujovne Ortiz 

 

  Dora Maar


   Prisonnière du regard

 

2-copie-5.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Prologue avec lumière masquée (premières pages)

 

Le 15 mai 1945, le photographe Brassaï décrivait dans son journal l'une des nombreuses scènes qu'il relatait chaque jour de sa relation avec Picasso.

Ce matin-là, le Malaguène était en veine. La libération de Paris et le printemps arrivaient de concert.  Il venait d'avoir une conversation des plus interréssante avec Malraux, récemment débarqué à Paris avec son béret de résistant, et s'apprêtait à déjeuner avec un grope d'amis au restaurant du coin, Le Catalan, rue Saint-André-des-Arts. Parmis eux, entre autres, se trouvaient deux de ses fidèles, le poète Paul Eluard et la compagne de celui-ci, la fragile et provocante Nusch.

"Une neuvième place encore vide est réservée à Dora Maar [...] Nulle part sa conversation n'atteint son plein régime de drôlerie et de fantaisie comme à table, pendant le repas, entouré d'amis. Il abonde alors en histoires malicieuses, en cancans, en souvenirs, fuse et étincelle de calembours, de paradoxes..."

[...] Dora Marr arrive. Elle est sombre. Elle serre les mains, elle serre les dents sans un mot, sans un sourire. Elle s'assied. Deux minutes ne sont pas écoulées lorsqu'elle se dresse et dit :" J'en ai assez, je ne peux pas rester. Je m'en vais..." Et elle quitte la salle...

"Picasso, qui n'a pas encore eu son chateaubriand, se lève et court après son amie Le départ de Dora fut si brusque qu'il ne put la retenir... Nous continuons à parler, mais le repas est troublé. Ces deux places vides coupent notre appétit... Nush Eluard avec son beau sourire, se penche vers moi et me dit : " Ne nous en faisons pas ! Histoire de femme! "

" Une heure plus tard hirsute, affolé, épouvanté, Picasso réapparaît au Catalan. Je n'ai jamais vu un tel désarroi sur son visage."Paul, viens vite, j'ai besoin de toi..." dit-il à Eluard. Le poète se lève et suit Picasso. Nous n'osons plus quitter la table. Il est déjà quatre heures et nous les attendons toujours. Une éternité. Ni l'un ni l'autre ne reviennent. A cinq heures nous partons."

Trois jour plus tard, le vendredi 18, Brassaï rencontre à nouveau Picasso. Ils se sont donné rendez vous au Café de Flore. Picasso dit soudain :

"Je connais une jeune femme. Elle a eu une dépression. Elle s'est imaginé être une reine... Et pas n'importe quelle reine, mais la reine du Tibet ! Et elle se comporta aussitôt en reine. Elle n'a plus voulu se chausser : une reine marche pieds nus. Elle n'a plus voulu manger : une reine, n'est-ce pas, est au-dessus de ces choses... Et elle a parlé tout le temps d'un duc... "Le duc a fait ceci...", "Le Duc a fait cela..." Mais, quand on lui a parlé de ce duc , elle a parlé de ce duc, elle a répondu :"Il n'est plus duc, il a été nommé comte !"

"Jacques Prévert : C'est merveilleux ! Un duc qui a été nommé comte !

" Picasso : C'est merveilleux et c'est inquiétant. Nous sommes dans la féerie et dans le cauchemar... Où est la frontière entre l'imagination et le délire ?"

Brassaï ajoute dans une note en bas de page : "Cette personne était Dora Maar. Depuis le déjeuner au Catalan, elle souffrait d'une dépression nerveuse."


  ...


'Retrato de Dora Maar'. - PABLO PICASSO -

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Man Ray (1936). Dora Maar

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Dora Maar par Picasso

 

Muse et victime, pas tout à fait innocente, de Pablo Picasso, Dora Maar fait l’objet d’une analyse passionnante dans l’œuvre d’Alicia Dujovne Ortiz : Dora Maar, prisonnière du regard. L’auteur livre une étude psychanalytique de celle que le maestro, du haut de son génie, a manipulé puis abandonné par perversion narcissique.

Né Henriette Théodora Markovitch, elle s’est imposée en tant que photographe auprès des surréalistes. Muse de Man Ray puis compagne du cinéaste Louis Chavance et du non moins torturé Georges Bataille, elle s’entoure d’un cercle d’artistes d’avant-garde et de grands esprits qui ont manifestement bouleversé l’entre-deux-guerres. Maîtresse de Picasso, elle deviendra par la suite La Femme qui pleure aux larmes tranchantes. Après sa rupture avec le peintre, cloîtrée à Ménerbes, elle se réfugiera dans la religion et dans une profonde solitude. Profonde et quasi-mystique, Dora Marr sort enfin de l’ombre.


Dora Maar - Les quais de la Seine
1944
Huile sur toile - 80 x 100 cm

 

 


Dora Maar - Portrait de Pablo Picasso au chapeau noir
1935
Huile sur toile - 61 x 50 cm

 

 

Dora Maar - Paysage et ciel
vers 1960
Huile sur toile - 46 x 55 cm

 

 

Dora Maar - Composition au réveil
1943
Huile sur toile - 81 x 65 cm

 

 

Sans titre, huile sur toile, Dora Maar

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Compostion, gouache, Dora Maar

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Ombres, déviations, torsions, effets de plongée, de contre-plongée, de suspension, de renversement, de chute, liés à l'angoisse de la verticalité, dramatisent, dans l'oeuvre de Dora Maar, la vision du réel. Les critiques, à propos de cette dernière, parlent de gauchissement du regard, caractéristique d'une sorte de baroquisme tragique. Ce gauchissement affecte, non seulement la vision de la ville, oblique, pentue, abyssale, mais aussi celle des êtres qui la hantent. Robert Desnos publie à la même époque Corps et biens, autre manifestation de l'esthétique du naufrage.

 

 

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Assia au masque blanc, 1934, Dora Maar

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Père Ubu, 1936, Dora Maar

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Paris, mendiant aveugle, 1930, Dora Maar

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Paris, sans titre, 1930, Dora Maar

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Silence, 1935-1936, Dora Maar

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...



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Nancy Huston   femme-arbre2

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Krishnamurti

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kris

" Cette terre est la nôtre, elle n'appartient ni aux communistes, ni ni aux socialistes, ni aux capitalistes; elle est à vous et à moi, prête à nous offrir une vie riche, heureuse, sans conflit. Mais ce sentiment de la richesse de la vie, ce sentiment de bonheur, ce sentiment qui nous souffle : "Cette terre est à nous", ne peut être suscité par la coercition ou par la loi. Il ne peut venir que de l'intérieur, parce que nous aimons la terre et tout ce qui l'habite : voilà ce qu'est cet état de perpétuel apprentissage."

HaïKuS eStAmPéS

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Jupe virevoltante

et chignon haut placé

 

Je l'ai vu passé

rue de la Gaîté

 

belle

         belle

                  belle

à pleurer

 

Givaudan

estampe japonaise 1

Orchidée du soir

cachant dans son parfum

le blanc de sa fleur

Buson

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Ni sourire

ni larmes

dans cet hibiscus

Ransetsu

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Rampant sur le sol

de la maison déserte

un volubilis

Shiki

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Sur un tas d'ordures

un volubilis a fleuri -

tardifd'automne

Taigi

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Visite au cimetière

le plus jeune enfant

porte le balai

Issa

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Descendant du champs

ruisselant sur eux

l'eau de l'automne

Buson

BULLE NEIGE 

Sous la lune voilée

les fleurs de Kaido

sommeillent

Kikaku

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Si rudement tombe

sur les oeillets

l'averse d'été

Sampû

PONT HIROSHIGE 

Averse d'été -

les moineaux du village

s'accrochent aux herbes

Buson

estampe 

Même au fond des puits

on peut voir les étoiles

Givaudan

imagesCAMGE2VO

ROUGE

DREAMSELLER by notmystyle 

Ocre rouge, rouge rubis, vermillon, cramoisi, pourpre, sang, carmin, écarlate, lie de vin ... Les nombreux mythes qui évoquent la genèse de la Terre la décrivent de couleur rouge. La science a mis en évidence que le pigment le plus répandu à la surface du globe est l'oxyde de fer qui devient rouge dès qu'il s'altère. Il est donc très probable que le premier continent fut effectivement rouge à l'aube de son Histoire...  

  plagerouge en Chine

La plage rouge de la province de Liaoning en Chine. Les algues de ce marais d'eau salée rougeoient nos mois d'été...

 

Rouge

le rouge de Zao Wou Ki

 

 

l'iris est un coeur...

" Chaque fois qu'un enfant dit : "je ne crois pas aux fées", il y a quelque part une petite fée qui meurt"  

James Matthew Barrie Peter Pan

 

  Fairies Looking Through A Gothic Arch, John Anster Fitzerald 


"Fées répandez partout la rosée sacrée des champs " 

William Shakespeare, Le songe d'une nuit d'été 

Spirit-of-the-Night--1879

Spirit of the Night, John Atkinson Grimshaw

 

"La bonne grâce est le vrai don des fées; sans elles on ne peut rien, avec elle on peut tout."

Charles Perrault, Cendrillon  

Les_anemones_1891-copie-1.JPG

Les anémones, Maurice Denis


"Le hasard, c'est le déguisement de Dieu pour voyager incognito." 

Saint Exupery